Hommage à Jean-Claude Pecker, l’un des rares scientifiques à lier démographie et écologie

L’astrophysicien Jean-Claude Pecker, décédé le 20 février dernier à l’âge de 96 ans, aurait à coup sûr été contrarié de se voir qualifier d’écologiste. Pourtant, ce professeur honoraire au Collège de France avait été sensible dès les années 1970 aux problèmes de pollution planétaires, notamment sous l’influence de son ami de jeunesse (et de résistance) et cousin par alliance Pierre Samuel *, alors engagé dans le mouvement Survivre et Vivre puis aux Amis de la Terre.

par Laurent Samuel

Jean-Claude Pecker dans son bureau du Collège de France

Jean-Claude Pecker comptait parmi les trop rares scientifiques à affirmer la « nécessité absolue » de « freiner la croissance démographique » afin de lutter contre le réchauffement de la planète. En septembre 2018, quelques jours après la démission de Nicolas Hulot, il avait ainsi été l’un des signataires d’un appel publié dans le Monde, qui dressait ce constat : « on fait comme si démographie et environnement étaient deux sujets séparés, alors qu’ils sont indissociablement liés. En effet, si les efforts pour améliorer l’efficacité environnementale des pays développés restent la première priorité à court terme, à moyen et long terme, les effets combinés de la croissance à venir de la population et de l’augmentation inéluctable de la consommation par habitant (à la fois dans les pays développés et encore plus dans les pays en voie de développement) conduisent à une véritable catastrophe pour notre planète : destruction de la biodiversité, ressources en eau menacées, montée des eaux par fonte des glaciers, raréfaction des ressources halieutiques, épuisement et salinisation des terres cultivées, réchauffement de plus de 5 °C en 2100 en France avec des pointes à plus de 50 °C, déplacements massifs de populations. »

Pour autant, Jean-Claude Pecker, pilier de l’Union rationaliste depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, se méfiait des positions excessives, « irrationnelles » à ses yeux, de nombreux écologistes. Il avait ainsi été en 1992 l’un des 4000 signataires de l’appel de Heidelberg, publié à l’occasion du sommet de Rio sur l’environnement et le climat, qui se terminait par cette phrase : « Les plus grands maux qui menacent notre planète sont l’ignorance et l’oppression, et non pas la science, la technologie et l’industrie, dont les instruments, dans la mesure où ils sont gérés de façon adéquate, sont des outils indispensables qui permettront à l’humanité de venir à bout par elle-même et pour elle-même, de fléaux tels que la surpopulation, la faim et les pandémies. » Il s’est avéré ensuite que cet appel qui plaidait pour « une écologie scientifique » dans laquelle « le contrôle et la préservation soient basés sur des critères scientifiques et non sur des préconceptions irrationnelles » avait été suscité en sous-main par des lobbystes des industries de l’amiante et du tabac (lire ici l’article de Stéphane Foucart dans le Monde). Toutefois, comme la plupart des signataires, dont de nombreux Prix Nobel, Jean-Claude Pecker avait signé cet appel « en conscience » et ne l’avait jamais renié sur le fond. Dans la même optique, il avait été de 1999 à 2001 Président de l’AFIS (Association française pour l’information scientifique), très critiquée pour ses positions en faveur des OGM.

Très marqué par la mort en déportation de ses parents, arrêtés à Paris et envoyés à Auschwitz, Jean-Claude Pecker était aussi un militant convaincu des droits de l’homme et un avocat infatigable de la vulgarisation scientifique, via notamment ses nombreux ouvrages sur l’astronomie pour le grand public et les enfants. Dans la communauté des astrophysiciens, il se distinguait par son scepticisme vis-à-vis de la théorie du Big Bang. Jadis lauréat du Concours général de dessin, Jean-Claude Pecker était aussi un passionné d’aquarelle et de dessin à la plume. Il avait publié plusieurs recueils de poésie. Son tout dernier ouvrage, édité par son ami Daniel Ziv (Z4 Editions), est consacré à la renaissance de l’Observatoire astronomique de Nice, dont il avait pris la direction au début des années 1960, le sortant de l’oubli et de la rouille dans lesquels ce haut lieu de la science était tombé depuis sa création par Eiffel et Garnier à la fin du XIXe siècle.

Pour en savoir plus sur la vie et l’oeuvre de Jean-Claude Pecker, lire ici l’article de Pierre Barthélémy paru dans le Monde.

* Père de l’auteur de ces lignes, dont la mère est une cousine germaine de Jean-Claude Pecker.