Voici un texte rédigé par l’une de nos adhérentes à l’occasion de la rencontre autour de l’oeuvre de François Terrasson organisée par les JNE le 8 janvier 2026 à l’Académie du climat (Paris).
par Myriam Goldminc
François Terrasson, je l’ai rencontré lors de voyages JNE à Johannesburg (NDLR 2002) et puis en Guyane (2004). J’aimais sa façon de décrypter nos rapports à la nature, le penchant humain de vouloir la maîtriser coûte que coûte et la nécessité de laisser des espaces libres de toute intervention humaine.
J’avais lu La peur de la nature, et l’analyse de notre déconnection au vivant me parlait d’une manière concrète depuis que j’avais quitté Paris il y avait une dizaine d’années pour vivre à la campagne près d’une forêt. Alors quand François Terrasson m’a proposé de venir chez moi dans le pays d ‘Othe (Aube) pour organiser pour des JNE une nuit au milieu de la forêt, j’ai tout de suite accepté. Je me souviens quand il est arrivé dans sa vieille Lada par une journée printanière. Nous sommes partis sur les chemins forestiers repérer les lieux qui soient suffisamment isolés les uns des autres, pour y déposer les journalistes prêts à tenter l’expérience : passer une nuit seule au milieu de nulle part, sans téléphone et lampe, juste un duvet … Chemin faisant, François Terrasson me faisait l’éloge des mousses, des ronces et du rôle primordial de la lisière pour la faune et la flore.
Ils furent une dizaine environ dont une majorité de femmes à vouloir tenter l’expérience. Après un repas partagé en toute convivialité la nuit tombante, nous avons pris la direction de la forêt pour « semer » les volontaires. Puis au petit matin, nous sommes partis à leur rencontre. Nous avons eu quelques surprises pour les récupérer car certains n’étaient plus tout à fait au même endroit où nous les avions laissés. Je me souviens d’une qui était sortie de la lisière de la forêt pour aller dormir avec une vue dégagée sur les hauteurs de la colline. Une autre s’était réfugiée la nuit à l’intérieur d’un chêne creux centenaire qui avait servi d’abris à des maquisards.
De retour, dans le jardin, une boisson chaude au creux des mains, je revois François Terrasson écouter en souriant avec bienveillance, les confidences et les fantasmes que cette nuit dans la nature a réveillés pour chacun. Analysant avec finesse cette peur, l’interroger… démystifiant les bruits entendus : aboiement de chiens ou de chevreuils, ronflement de sangliers, vent dans les arbres …
François Terrasson, au-delà de ses livres, nous a transmis une expérience sensuelle de la nature et fait ressentir cette évidence la nature qui n’a pas besoin de nous pour vivre mais dont nous avons intensément besoin.
Photo : Myriam Goldminc




