Les JNE en Cévennes : Congrès, Assemblée générale et découverte d’une région

Le Congrès des JNE et son Assemblée générale ont eu lieu dans les Cévennes les 20, 21 et 22 mai 2022, avec l’appui du Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles et du Parc National des Cévennes.

par Marie Joséphine Grojean

Cela donna lieu à quelques visites rapides dans le piémont peu après l’arrivée (Maison de la réserve de la Biosphère et Pôle agri-alimentaire). Puis nous arrivâmes au cœur de ces moyennes montagnes méditerranéennes, et tout bascula : le Congrès annoncé (mais qu’est-ce donc qu’un Congrè s?) se transforma en découverte précieuse d’une Nature en parfaite symbiose avec une Culture.

Ce fut une expérience multiple. Car s’y retrouvent aussi le comportement surprenant, illogique et exigeant des humains modernes que nous sommes devenus ; et les défaillances d’un système proclamé infaillible : la SNCF, transport national moderne qui annule ses trains du dimanche soir (épisodes fréquents pour cause de négligence d’entretien des infrastructures ; d’où des complications insensées pour les voyageurs et les organisateurs).

Les JNE en randonnée à travers les hameaux des Cévennes lors de leur Congrès des 20-22 mai 2022 © Antoine Bonfils

Mais, effaçant tout cela, gommant les aléas de cette modernité arrogante, ce voyage nous offrit une extraordinaire expérience de Nature et de Culture : d’abord la rencontre avec le Paysage, cadeau époustouflant d’un pays préservé, dans sa beauté et son histoire : les Cévennes. Etroitement liée à ce patrimoine paysager, il offrit l’expérience d’une terre qui, comme un grand livre d’images, nous donna à lire au présent la vie et les savoirs que les humains y ont tissé au cours des siècles, ces savoirs traditionnels que Claude Lévi-Strauss a qualifié de science du concret et qui ont créé la Cévenne, une culture toujours vivante faite de luttes, de résistance, d’autonomie et de sa conquête la plus glorieuse, la liberté, dans le respect de la nature.

Au cours de randonnées dont la rudesse fut estompée par des lieux souverains, nous fûmes portés par la présence dans le lointain bleuté de monts successifs couverts de forêts, s’estompant d’est en ouest, du sud au nord, de la Margeride aux Causses, du Mont Lozère au Mont Aigoual, tandis que, nichés dans de modestes aplats à mi-pente, on distinguait, surgissant de partout, les mas en sentinelle avec leurs jardins et leurs terrasses plantées qui se détachaient sur la masse sombre des forêts. Là dessus, un beau temps où brise taquine et soleil de plomb s’équilibraient avec bienveillance.

Un agent du parc national des Cévennes explique aux JNE l’action menée par le parc © Antoine Bonfils

Et nous, les exilés de la grande ville, marchant sur les drailles, sèches comme en plein été, captés par le milieu environnant, avides de ces informations qui fusaient et nous tenaient attentifs parmi les pins et les rejets des châtaigniers, nous écoutions les paroles de nos guides. Des hommes de terrain fièrement enracinés dans leur terre, forestiers, responsables locaux, ou créateurs de musée, tous lettrés et amoureux de leur pays, de sa nature et des humains qu’elle a produit, guides qui nous ont initié à ces paysages et à leur histoire avec une compétence et une pédagogie de grande classe.

Sous les yeux attentifs des autres randonneurs, l’ethnobotaniste Alain Renaux (JNE) fabrique une flûte © Antoine Bonfils

Tout en marchant et en écoutant, nous avons parfois, osons-le dire, frôlé l’extase tandis que nous herborisions, lisant dans la minutie des plantes à nos pieds ou dans le déploiement diversement coloré des zones forestières, la richesse de la nature et son renouvellement infini. C’était comme revivre l’enfance du monde, et pour beaucoup c’était raviver leur propre enfance campagnarde. Les souvenirs personnels fusaient, comme par exemple quand l’un des membres de l’association, Alain Renaux, illustre ethnobotaniste, soufflant dans une tige sèche de folle avoine percée comme une flûte, en tira une mélodie ; ou que, soufflant dans un brin d’herbe judicieusement disposé entre ses doigts, il en fit venir des sons stridents qui ont fait aboyer Cannelle, suscitant sans doute chez ce chien, une réminiscence atavique de gardien de troupeau. Presque chacun de nous, à un moment ou à un autre, y allait alors d’une anecdote sur son grand-père ou sa grand-mère : autres temps, autres moments de bonheur…

Daniel Travier, le fondateur du Musée des vallées cévenoles, le fait découvrir aux JNE lors de leur Congrès des 20-22 mai 2022 dans les Cévennes © Antoine Bonfils

La visite de Maison Rouge, le musée des vallées cévenoles, remarquable réalisation tant architecturale que muséographique, fut conduite avec maestria par son érudit et passionné fondateur, Daniel Travier, qui nous tint en haleine plus de deux heures. Inlassablement, s’appuyant sur les innombrables trésors de la vie traditionnelle présentés dans chaque salle, il nous conta la vie des gens, leurs pratiques agricoles ou artisanales, leurs outils issus du terroir. C’était là l’histoire vivante d’un territoire et de ses habitants. C’étaient surtout des pistes vertueuses tracées pour nos vies à venir, vies frugales qu’il convient de retrouver si nous voulons que la terre se répare et accueille toujours les humains avec sa générosité incommensurable.

Une grande partie du Musée des vallées cévenoles est consacrée aux filatures et à l’élevage des vers à soie © Antoine Bonfils

Ce que ce paysage et cette terre ont fait naître, ou devraient pouvoir faire naître, va au-delà de ces impressions fugitives, mais ils ont sans doute titillé en chacun la vibration naturelle, le fil de la connaissance véritable, celle qui relie la culture – ce fonds d’entente commun – à la terre d’où elle est issue. Sans doute ont-ils aussi réveillé le sentiment d’admiration pour ce que les croyants – et on est ici, ce fut rappelé à maintes reprises, sur une terre de foi – appellent la Création, qu’on appelle la Nature ou de façon plus moderne, le Vivant. Ces réalités vitales et fondamentales, aujourd’hui menacées par la vie moderne, les journalistes et écrivains pour la Nature et l’Écologie se doivent de les éveiller par leurs écrits et leurs actions, mais il convient d’abord de les réveiller en soi.

Merci au maire de Saint-Germain-de-Calberte (Lozère), Gérard Lamy, pour nous avoir aidés à organiser ce congrès, à toute l’équipe du Syndicat des Hautes Vallées Cévenoles pour son accueil, à Yannick Louche pour nous avoir accompagnés lors de ce congrès, à Laura Marsanne pour l’accueil dans les fabuleux gîtes du Serre de la Can, à Jean-Luc Guiton pour la promenade guidée dans la forêt, au guide du parc national des Cévennes qui a accompagné nos découvertes, à Daniel Travier pour la visite du Musée des vallées cévenoles et à Alain Renaux, notre adhérent ethnobotaniste qui a su nous enchanter par sa façon de nous raconter la nature et les traditions cévenoles.

Photo du haut : montagnes des Cévennes. Sur les hauteurs de Saint-Germain-de-Calberte, vue depuis le village vacances de Serre-de-la-Can © Antoine Bonfils

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