« Et je sens se faner les pensées sans pareils ! »

Avec Kateb Yacine et Maurice Genevoix, quelques impressions après l’attentat contre Charlie Hebdo.

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par Bernard Desjeux

 

Christian Pirot, éditeur, et Sylvie Genevoix lors de la préparation du livre La Loire et Maurice Genevoix aux Vernelles à Saint-Denis-de-l'hôtel. Debout à gauche, Bernard Maris
Christian Pirot, éditeur, et Sylvie Genevoix lors de la préparation du livre La Loire et Maurice Genevoix aux Vernelles à Saint-Denis-de-l’hôtel. Debout à gauche, Bernard Maris – @ Bernard Desjeux

 



Il se trouve que je lisais ce petit recueil Soliloque du poète Kateb Yacine, qu’il a écrit à l’âge de 15 ans au moment des massacres de Sétif en 1945, offert comme une pépite par un ami algérien.


Désemparé par ce qui vient d’arriver à Charlie Hebdo, je fais appel à cet ami qui nous a lui aussi tellement marqués :



……… Soliloque

……… Ce soir ma vie sanglote avec des cris de joie :
……… J’ai entendu venir le chant de ma détresse.
……… Toi qui pars avec l’or de ma chimère en sang
……… Dis-moi les mots où passe un fanion déchiré…
……… Je vocifère encore mon désespoir malade,
……… Et je sens se faner les pensées sans pareils !
……… Aux navires de feu des randonnées qui rêvent
……… J’aurai voulu partir avec mon corps parti…
……… Kateb Yacine

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Comme beaucoup, nous étions amis avec Bernard Maris. Nous le connaissions côté famille, puisqu’il était le mari de Sylvie Genevoix.
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J’avais une certaine complicité comme « collègue » car j’avais beaucoup de plaisir à évoquer sciences-éco avec lui. Je m’y étais toujours senti marginal avec ces gens qui confondaient économie et argent. J’ai toujours pensé que c’était un moyen et non un but. Que la croissance a eu son utilité peut-être, mais l’important c’est le progrès humain. Nous évoquions nos profs : Stoléru, Coulbois, Guitton et même Raymond Barre… « On ne peut monter jusqu’au ciel », disait-il avec Keynes, rejoignant le célèbre « Avoir plus pour être plus », du pape Jean XXIII (et je retiens un) : j’avais même fait un travail sur cette encyclique à 20 ans.
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Je suis sidéré par les réactions : Poutine, la reine d’Angleterre, l’Arabie Saoudite… S’ils pouvaient relire les éditos de Cavanna : « Beethoven était tellement sourd qu’il croyait peindre » ; ou le dessin de Reiser après la victoire de Tommy Smith aux jeux de Mexico de son personnage « gros dégueulasse » : « je ne lève pas le poing, on verrait mes couilles ». Si Hollande, au lieu de répéter comme un autiste « croissance, croissance », pouvait relire Bernard Maris et surtout comprendre ce qu’il expliquait simplement. Notre Dame de Paris qui sonne le glas pour Charlie Hebdo ! j’y crois pas. Marine Le Pen qui refait le coup de la victime, manque pas d’air.

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Sur la photo ci-dessus, l’éditeur Christian Pirot avec ses amis met la dernière main à la pâte du livre Val de Loire, terre des hommes de Maurice Genevoix. Nous sommes dans la salle à manger des Vernelles, la maison de Maurice Genevoix en bord de Loire. Un bel après-midi …

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J’ai envie de hurler avec la folle du film Timbuktu : connards !

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