Voyage d’un écolo en politique (1) : de René Dumont aux Verts

Voici la première partie du voyage d’un écolo (membre des JNE) en politique de 1974 à 2011. Pour aider à l’analyse commune…

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par Michel Sourrouille

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Assigné par ma naissance à la génération 1968, j’ai été lecteur assidu d’Hara-Kiri, formaté par le réalisme du slogan « élections, piège à cons »…, j’ai donc déchiré ma carte d’électeur. La politique, un jeu de marionnettes dans les mains du marché et des lobbies, ce n’était pas pour moi. Mais en 1972, j’ai lu le rapport du MIT sur les limites de la planète et les vertus de la croissance zéro. C’était prévu, c’était prouvé, l’amour de notre société marchande pour les exponentielles dans un monde fini faisait que nous allions droit dans le mur ; je suis devenu écolo. Lorsque René Dumont, poussé par des associations environnementalistes, s’est présenté à la présidentielle française de 1974 au nom de l’écologie, j’ai compris qu’un vote significatif pouvait enfin avoir lieu pour préparer un avenir moins perverti : nous allions manquer d’eau, les voitures allaient s’arrêter faute de pétrole, le nucléaire militaire et civil était le mal absolu. René parlait vrai. Il me fallait réagir, j’ai voté pour la première fois, j’avais 27 ans.

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Depuis, j’ai toujours voté écolo au premier tour pour le ou la présidentiable écolo. Il n’est pas encore venu le temps où nous aurons un ou une président(e) écologiste, mais cela viendra. J’ai aussi voté chaque fois qu’il y avait une liste écolo, je ne pouvais voter que s’il y avait un candidat écolo. L’indifférence totale des partis politiques à l’égard de l’enjeu écologique continuait de me rebuter. J’avais gardé une méfiance viscérale envers des organismes « de pouvoir » qui ne voulaient toujours rien savoir du message de René Dumont : l’écologie scientifique est le rempart principal contre nos erreurs industrielles, agricoles, financières, et même contre la bêtise humaine. Reste à écologiser les politiques ! Mais, l’inertie sociale étant ce qu’elle est, l’écologie politique est restée minoritaire jusqu’à la fin du XXe siècle, en France et ailleurs. L’état de la planète a empiré, les prédictions de René se sont installés dans les faits, et même dans les journaux télévisés. Les sommets de Terre se sont succédés depuis 1972, rien n’a changé. Personne n’a entendu parler du sommet de 1982, et même la grande kermesse de Rio en 1992 n’a été que des mots. Il me fallait faire quelque chose… je me devais de m’engager personnellement en politique ! Alors va pour les Verts, qui disaient porter le message de l’écologie.

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Ma première réunion entre écolos m’a laissé un souvenir impérissable. Je n’y comprenais rien. Une vingtaine de personnes seulement, et je me perdais complètement entre les sous-tendances des différents courants. Un participant bien charitable et d’autant plus perspicace m’a expliqué en aparté. « Simplifions. Il y a les Verts rouges, les Verts noirs et les Verts verts. A partir de cette trame, chacun brode à sa façon. » Comme j’enseignais professionnellement la sociologie politique, j’ai tout compris. Il y avait les marxistes derrière le drapeau rouge, mais qui avaient senti tourner le vent de l’histoire : la victoire du prolétariat ne pourrait pas se faire sur les décombres de la planète. Mais ils n’avaient aucun repère doctrinal en matière environnementale, Marx considérait l’accumulation infinie du capital dans une biosphère aux ressources inépuisables : il vivait au XIXe siècle. Et puis il y avait les pseudo-anarchistes derrière leur drapeau noir. Pour les votes, les Verts noirs sont très forts : faut toujours s’exprimer contre le consensus qui se dessine. Et moi, et moi, et moi, vous m’avez oublié ? Dès qu’une tête dépasse, faut la couper. A désespérer du genre humain ! Pour ma part, je me sentais Verts vert, écologiste avant tout, fondamentaliste diraient certains.

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Je n’ai pas mis très longtemps pour me rendre compte que mon orientation était et devait rester minoritaire. Dans un parti politique, et les Verts ne faisaient pas exception, ce qui compte c’est le pouvoir, la recherche du pouvoir, la contestation du pouvoir ou même le pouvoir pour le pouvoir. Humain, trop humain ! M’enfin, comme me l’avait enseigné René Dumont, notre tâche était bien là : écologiser les politiques et politiser les écologistes. Fallait que je m’accroche.

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Prochainement sur le site des JNE, la 2e partie de ce voyage…