Dur, dur d’avoir eu raison avant les autres !

Dans le tsunami médiatique sur la catastrophe nucléaire au Japon, on a largement oublié les scientifiques qui avaient lancé les premières alertes sur les risques d’accidents majeurs dans les centrales atomiques.

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par Laurent Samuel

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Depuis une quarantaine d’années, des scientifiques “concernés”, des ingénieurs, des syndicalistes avaient tiré la sonnette d’alarme quant à la possibilité d’un accident nucléaire majeur dans un réacteur.

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Ces chercheurs (pardon pour les oublis) se nommaient John Gofman, Walt Patterson, Roger et Bella Belbéoch, Raymond et Monique Sené, Pierre Samuel (mon père), Yves Lenoir, Bernard Laponche…

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Dans les années 1970, ils avaient élaboré des scénarios d’accidents, qui ressemblent diablement sur certains points à ce qu’il se passe aujourd’hui au Japon : rupture de l’enceinte de confinement, fusion du coeur, incendie dans une piscine de déchets….

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Leurs sombres conclusions avaient été relayées à l’époque par des citoyens et des associations, ainsi que par des journalistes, souvent membres des JNE, comme Pierre Fournier, Claude-Marie Vadrot, Jean Carlier, Nicole Lauroy, Sylvie O’Dy, Frédérique de Gravelaine, Hélène Crié, Dominique Martin-Ferrari ou l’auteur de ces lignes (pardon là encore pour les oublis !).

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Face à leurs alertes, les responsables des gouvernements, d’EDF et du CEA répliquaient avec morgue que tout était prévu et qu’un accident ne pouvait pas arriver.

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Or, personne (pas même, quelle ingratitude !, les responsables des partis écologistes) ne semble avoir pensé à saluer la clairvoyance de ces précurseurs, encore moins à inviter ceux qui sont encore en activité (Yves Lenoir ou Monique Sené par exemple) sur les plateaux des télés ou des radios. Un oubli certes involontaire, et qui renvoie à un défaut général de mémoire dans la mouvance écologistes, mais cependant lourd de sens.

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Ces écologistes là sont visiblement trop affairés à réclamer un “débat” de toute façon engagé depuis 48 heures dans tous les médias, à exiger un referendum (la réponse verte est non, mais quelle est la question ?), à prôner la “sortie du nucléaire” sans préciser qu’elle suppose un changement drastique de nos modes de vie…
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A l’évidence, il est difficile d’échapper (et l’auteur de ces lignes reconnaît volontiers y tomber avec ce texte…) au syndrome du “on vous l’avait bien dit !”. Lequel suscite inévitablement des réactions hostiles de la part de ceux qui se sentent coupables de ne pas vous avoir écouté à temps…

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Tout cela confirme en tout cas qu’à avoir raison trop tôt, on s’expose au risque d’être tour à tour ignoré, moqué, caricaturé, oublié, avant que tout le monde (y compris, ô surprise, l’Autorité de sûreté nucléaire !) ne reprenne votre message en oubliant même que vous avez existé…