Appel aux chasseurs de loups

Dans le contexte de la rencontre organisée par les JNE le 8 janvier 2026 autour de sa pensée pour le 20e anniversaire de sa mort, nous mettons en ligne sur ce site un ensemble de textes de François Terrasson, en partie inédits. Voici ses réflexions sur le « nettoyage » de la nature.

Chaque année, un prédateur violent et incontrôlable tue une quantité notable d’animaux domestiques. Il fait partie de la Nature, c’est-à-dire du grand ensemble de toutes les choses non fabriquées par l’homme. Qui est responsable de la Nature ?

Ben, vous avez perdu ! Il ne s’agit pas du loup. Mais d’un phénomène qui va nous éclairer, c’est le cas de le dire, puisque de malheureux bovins et ovins, tous les étés, se retrouvent les pattes en l’air, frappés par la foudre.

On n’a aucun moyen de supprimer les manifestations non désirées de ce tueur électrique. Mais supposons que pour une raison ou une autre l’orage créé disparaisse pendant cent ans. Qu’on se soit habitué… Et qu’il réapparaisse…

Les admirateurs de tempêtes existent. J’en fais partie. La beauté, l’énergie, l’harmonie d’une panoplie d’éclairs, je comprends…

Qui sera accusé d’avoir, dans une crise d’écologisme dévoyé, réintroduit les orages dans un monde qui ne pensait plus à eux ? Pourra-t-on à nouveau s’en accommoder ?

Les grands spectacles de la nature ont eu quelques inconvénients. Et notre « frère loup » comme disait François d’Assise est assurément un grand spectacle de la Nature.

Alors, qu’est-ce qu’on va faire ?

Supposons encore que l’on soit arrivé à l’époque où on commande la météo. On décide le temps qu’on veut ! Je vous laisse imaginer…

C’est une situation complètement nouvelle que d’avoir la maîtrise de quelque chose autrefois obligatoirement supportée.

Mais cette nouveauté peut quand même s’inspirer du passé. Et qu’est-ce qu’on voit dans le passé. Que toutes les sociétés où le loup a coexisté avec l’homme étaient des cultures où on pouvait chasser le loup. Et pas forcément avec la haine au cœur. Non, bien plus souvent avec le respect et l’admiration.

Le XXe siècle s’est laissé entraîner vers l’éradication totale de l’animal. Sans souvenir des récits épiques de tous ceux qui aimeraient courir derrière les loups.

Ceux-là, ils croient que les moutons sont élevés exprès pour eux. C’est facile à attraper c’est bon, malgré la laine qui gêne un peu. Pourquoi est-ce qu’ils iraient manger ailleurs. Ils iront bien sûr manger ailleurs quand c’est ailleurs que ce sera plus facile. Ou plutôt moins difficile que vers les brebis.

Parce qu’on les aura dissuadés.
Les chiens, évidemment, mais il faut bien le dire aussi, le coup de fusil.

Attention, le tir, pas le poison. Le poison ne dissuade pas. Il tue la merveille de la nature qui nous gène. Liquider une bête intelligente qu’on pourrait aussi bien accepter qu’un orage de temps en temps.

Si c’est le berger qui tire, souhaitons que ce soit à côté. Effronté, mais craintif, le loup comprendra vite que d’autres animaux forestiers sont dépourvus d’armes à feu et qu’il vaut mieux se nourrir chez eux.

Certains ont proposé que le loup qui s’est abonné à un troupeau soit carrément descendu par un tireur officiel et patenté, sans laisser au gardien des moutons une initiative qui lui soulage les nerfs mais pourra peut-être l’entraîner trop loin…

On verra… mais c’est une sacrée responsabilité pour tout le monde. Sommes nous capables, civilisés du XXIe siècle, de vivre avec les forces spontanées de la Nature tout en ne se privant pas de rétablir l’équilibre en notre faveur si besoin est.

L’équilibre ce n’est pas la routine, la facilité, le train-train de la guerre pro-loup contre anti-loup. C’est l’édifice construit sur l’arc-boutant de deux forces à l’origine antagonistes qui sont de même puissance et de même intérêt.

Dans la « Grande Troncoye », la forêt de Tronçais dans l’Allier dont je suis indigène, qu’aurait été notre enfance si elle n’avait été bercée d’histoires de loups ? Devenues imaginaires (quoique ?), mais si prêts de nous encore dans le temps. Restés réels dans bien des parties du monde. Ou tout le monde les chasse. Et où on s’ennuiera beaucoup le jour où il n’y en aura plus…

Photo : loup du parc du Gévaudan en 1986 © DR

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