Durant le Sommet sur l’Océan de Nice, les scientifiques se sont mobilisés pour informer le public. Nathalie Vigier, directrice de recherches au CNRS travaillant pour le Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer, a accepté de répondre aux questions des JNE.
par Carine Mayo
« Le lithium est le métal dont la consommation a le plus augmenté ces dernières années. On en trouve dans les batteries de nos téléphones portables, de nos ordinateurs, de nos voitures, dans les unités de stockage de l’énergie… Mais on connaît peu ses impacts sur la santé humaine et dans l’environnement », explique la géochimiste.
Entre une table-ronde et un après-midi bien chargé à son laboratoire, Nathalie Vigier nous a exposé l’objet de ses recherches lors d’une courte pause déjeuner. « Le lithium est étudié en tant que médicament, car il est utilisé pour lutter contre la bipolarité. Il est essentiel à la santé et a des impacts bénéfiques. Mais quand on dépasse une certaine dose, il y a des risques de toxicité chez les patients et peut toucher les reins, le cerveau… En revanche, les impacts du lithium sur l’environnement et sur les populations qui consomment des produits de la mer sont très peu étudiés. »
Prévenir plutôt que guérir
La chercheuse a obtenu une bourse du Conseil européen de la recherche pour son projet SeaLi2Bio qui consiste à quantifier la contamination littorale au lithium, à prédire son évolution suivant des scénarios de transition écologique et à évaluer son transfert aux organismes et ses effets sanitaires en milieu côtier.
Le lithium est présent à l’état naturel dans l’environnement, mais il a une composition isotopique différente de celle du lithium d’origine anthropique, ce qui permet aux chercheurs de mesurer la contamination des écosystèmes marins. Aujourd’hui, celle-ci est déjà visible. D’où vient-elle ? Les premières hypothèses de recherche se portent sur les décharges d’équipements électroniques ou les eaux usées. Quels sont les organismes les plus touchés ? Les premières observations, à confirmer, montrent une concentration de lithium plus importante dans le phytoplancton et les bivalves qui filtrent l’eau, comme les moules et les huîtres.
Pour lutter contre cette pollution, le recyclage peut être une piste, mais c’est loin d’être une solution miracle. D’autant que la miniaturisation de nos équipements rend l’opération difficile et chère.
Serions-nous à l’aube d’une nouvelle pollution majeure ?
La mission de ce projet est « d’éclairer le débat public à l’heure où l’on veut ouvrir de nouvelles mines de lithium et des gigafactories de production de batteries », souligne Nathalie Vigier, « d’intervenir en amont pour éviter une contamination de l’ampleur de celle du plastique sur les milieux marins ».
Photo : Nathalie Vigier © Carine Mayo