Mira, 32 ans, grimpeuse résistante dans un chêne centenaire depuis 3 semaines contre le projet d’A69

Voici le témoignage d’une « grimpeuse résistante » en lutte contre le projet d’autoroute A69 dans le Tarn.

Propos recueillis par Pascale d’Erm

« J’ai grimpé dans ce chêne depuis le 15 février pour protester contre la construction de l’A69 et ne suis plus descendue depuis. C’est une expérience hyper traumatisante : y a le froid, le vent la nuit et dès le lever du jour, le stress que des gendarmes grimpeurs viennent nous déloger… La question du genre revient souvent dans nos échanges. Au début, il y avait cinq femmes et une personne non binaire sur 18 grimpeur.euse.s. Puis de fil en aiguille, ils ont été contraints de quitter leurs arbres. Actuellement, on n’est plus que quatre grimpeurs, dont deux femmes. J’espère que cela va servir à donner confiance en elles à des femmes qui en ont besoin. Notre présence montre que c’est possible.

Nous ne sommes qu’à quelques dizaines de mètres les uns des autres, chacun sur son arbre, donc on échange dans la journée, on se tient compagnie. Même si je dispose d’une plateforme, perchée à 20 mètres de hauteur, et d’un sac de couchage, c’est dur. Ma camarade fait une expérience plus positive. Je suis heureuse qu’elle soit là aussi, et je sais que cela est précieux à certains moments.

Les « grimpeurs résistants » en lutte contre le projet d’autoroute A69 dans le Tarn © DR

C’est la première fois que je reste ainsi dans un arbre pour protester. Et la première fois que je reste aussi longtemps dans un même lieu ! Les arbres sont des êtres vivants indispensables à notre survie et il est assez facile d’entrer en relation avec eux. Vivant sur son corps toute la journée, je ressens sa présence. C’est important de prendre conscience que les arbres sont là. Je me suis aussi liée d’amitié avec une petite sittelle (oiseau, pic maçon) qui se pose sur mes pieds quand je ne la regarde pas, elle me tient compagnie.

Avant, j’étais sur le site des méga-bassines, j’ai rejoint le site en avril 2023 au moment des grandes manifestations et je me suis prise d’affection pour cette cause. J’ai décidé de rester. J’ai appris à grimper, à faire des nœuds, à me déplacer dans un arbre, à reconnaître les oiseaux… Mais personne ne nous apprend vraiment comment vivre dans un arbre, 24h/24. Alors on fait comme on peut, je suis très vigilante d’une manière générale, mais ici plus que jamais.

Nous luttons contre ce projet d’autoroute car il générerait des pollutions, et impacterait de nombreuses personnes, en particulier les gens les plus précaires. Mais au-delà, j’aimerais qu’on arrive à faire passer un message clair : la déforestation, l’extractivisme, la destruction du vivant, l’injustice sociale et la disparition de la ruralité ont la même origine, le système patriarcal capitaliste et c’est contre ce système que nous luttons. Je ne suis pas là juste pour sauver des arbres. Mon souhait, mon besoin le plus précieux, c’est de faire passer ce message.

Nous avons besoin de visibilité, il faut que chacun écrive à ses élus, pour les interpeller, ou leur écrive des lettres. Il est essentiel que la presse et les citoyens relaient notre action.

J’ai encore un peu de provisions de lentilles, et de l’eau, de quoi tenir quelques jours, mais les ravitaillements que nous attendons ne nous ont pas été délivrés : les forces de l’ordre les ont posés à distance de nos arbres. Si nous descendions les chercher, nous ne pourrions pas remonter, c’est sûr. C’est très stressant. Mais nous ne descendrons pas. Moi, je suis diabétique, et je fais très attention, mais j’ai accès à mes médicaments.

Je tiens pour le moment, pour la cause, mais quand je vais descendre j’aurai besoin de soutien, de calme, et de douceur. »

Photo du haut : les « grimpeurs résistants » en lutte contre le projet d’autoroute A69 dans le Tarn © DR