Le projet Cigéo : une visite et de multiples interrogations

Dans le cadre d’un voyage de presse les 27 et 28 avril 2023, sept membres des JNE ont visité le projet Cigéo de centre d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure (Meuse et Haute-Marne).

par Carine Mayo

Qu’est-ce que Cigéo, le projet de site d’enfouissement des déchets nucléaires ?

Présentation du projet Cigéo dans l’espace d’exposition © Antoine Bonfils

Cigéo est un projet mené par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne.

Pour le moment, il est constitué principalement d’un espace d’exposition et d’un laboratoire de recherche souterrain que nous avons visités. Si le projet était réalisé, le site d’enfouissement serait construit à côté de ce laboratoire.

Ce projet vise à enfouir les déchets les plus radioactifs dans une couche profonde d’argilite (forme de roche sédimentaire argileuse) située entre 400 et 600 mètres de profondeur.

Quels déchets nucléaires seraient accueillis à Cigéo ?

Ces déchets sont de deux sortes :

Les déchets de haute activité (HA) seraient déposés dans de grands tubes en inox qui seraient insérés les uns derrière les autres dans de longues alvéoles © Antoine Bonfils

– les déchets de haute activité (HA) principalement issus du retraitement des combustibles usés des centrales nucléaires. Ces déchets ne représentent que 0,2 % du volume des déchets radioactifs, mais 95 % de la radioactivité de l’ensemble des déchets radioactifs. Ils peuvent être dangereux pendant des centaines de milliers d’années.

Les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) seraient enfermés dans des colis en béton ou en métal et placés dans un grand tunnel © Antoine Bonfils

– les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL), constitués de déchets de structures métalliques qui entourent le combustible utilisé dans les centrales nucléaires et de résidus liés au fonctionnement et à la maintenance des installations nucléaires. Ils ont une durée de vie longue à très longue (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années).

Pour le moment, ces déchets sont entreposés en surface près des centrales nucléaires ou dans des piscines d’entreposage. C’est le cas notamment des combustibles usés de l’usine de retraitement des déchets nucléaires de la Hague.

A quelques dizaines de kilomètres de là, dans l’Aube, sont entreposés les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC),vêtements, outils, filtres, déchets de soins des laboratoires et des hôpitaux… Ce qui fait de la région Grand-Est, une région hautement nucléarisée.

Un laboratoire souterrain

Emilia Huret, dans un prototype de tunnel conçu pour accueillir des colis de déchets nucléaires de moyenne activité à vie longue (MA-VL) © Antoine Bonfils

Chaussés, casqués, équipés d’un matériel de sécurité à utiliser en cas d’incendie, nous entamons la descente dans les entrailles de la terre, un peu stressés par ce voyage hors du commun. Mais Emilia Huret, la géologue cheffe du centre, sait retenir notre attention en nous racontant l’histoire de ce site. Après six minutes de descente, nous voici arrivés dans un dédale de couloirs où travaillent des techniciens qui creusent des galeries, effectuent des sondages.

Le travail effectué dans ce laboratoire a trois objectifs :
– Vérifier les propriétés in situ de la roche
– Regarder comment elle se comporte face au creusement à 500 mètres de profondeur.
– Accompagner le démarrage de CIGEO et tester de nouveaux concepts.

De nombreuses questions demeurent

Est-il bien raisonnable de concentrer les déchets les plus radioactifs au même endroit ?

Comment peut-on assurer la sécurité de nos descendants pendant des centaines de milliers d’années ? (D’ailleurs, nos interlocuteurs, prudents, ne s’engagent pas au-delà de 150 ans). 
Comment garantir la réversibilité du site, c’est-à-dire, la possibilité d’aller rechercher les colis de déchets nucléaires si une meilleure solution technologique était trouvée, une fois que les alcôves seront scellées ?

Les prévisions de fonctionnement de Cigeo se basent sur un scénario optimum, mais que se passerait-il en cas de dégradation des conditions d’exploitation ? Si par exemple, la situation politique conduisait à entasser plus de déchets dans ce site (ce qui est possible avec la relance du nucléaire en France), s’il y avait une guerre, des bombardements, un tremblement de terre ou des inondations ?

Que vont devenir les villages alentours, encerclés par les futures installations nucléaires ? Les paysans sont-ils condamnés à disparaître si le projet aboutit ?

Quelques chiffres-clés

85000 m³ de déchets seraient stockés dans ces galeries souterraines.
270 km de galeries souterraines seraient creusées pour une surface totale de 15 km².
En 2022 ont été adoptés la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) et la Déclaration d’Opération d’Intérêt National (OIN). Une demande d’autorisation de création (DAC) est en cours et pourrait prendre 3 ans. Ensuite, une enquête publique aura lieu.
En 2035 le site pourrait être mis en service.
100 ans, c’est la durée d’exploitation prévue. A la fin, les galeries seraient scellées et il faudrait trouver un autre site (ou trouver une autre solution pour traiter ces déchets hautement radioactifs).

Photo du haut : un prototype d’alvéole conçu pour accueillir la longue file de colis de déchets nucléaires à haute activité (HA)