Twitter, nouveau relais du climato-scepticisme ?

 

 

par Olivier Nouaillas

 

« Il n’y a pas d’urgence climatique , c’est devenu une nouvelle religion », « Le GIEC est une machine de propagande politique, se concentrant sur un prétendu réchauffement climatique ». Voici quelques exemples des tweets que l’on peut trouver en nombre sur toile. Faut-il en s’en inquiéter ? Oui d’après une étude menée récemment par quatre scientifiques du CNRS, publiée le 13 février et intitulée « les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme ».

Après avoir examiné plus de 400 millions de tweets ( !), publiés entre 2020 et 2021, leur verdict est sans appel : « auparavant, le France était beaucoup moins touchée par le climato-scepticisme que les Etats-Unis. Mais entre 2020 et l’été 2021, l’activité des comptes « dénialistes » a été multipliée par 6 », estime David Chavalarias, l’un des auteurs dans l’étude dans une interview publiée par le journal Le Monde dans son édition du 15 février. Une mouvance d’autant plus inquiétante que ce courant climato-scepcique se relie à une tendance de fond complotiste et se « structure de façon organique depuis l’été 2022 ». En effet, les quatre scientifiques du CNRS, montrent que plus de 60 % des comptes climato-sceptiques relayent également des tweets anti-vax par rapport au Covid 19, mais aussi des tweets pro-Poutine dans sa guerre menée contre l’Ukraine ! Le raisonnement est le même : les scientifiques et les grands médias nous mentent aussi bien sur le réchauffement climatique que sur l’ efficacité des vaccins ainsi que sur les crimes de guerre prétendument commis par les Russes en Ukraine … CQFD.

Cette étude survient à un moment crucial par rapport à l’évolution possible de Twitter et ce qu’on nomme de plus en plus abusivement « les réseaux sociaux ». En effet, après bien des péripéties, Twitter est devenu depuis la fin 2022, la propriété d’Elon Musk, le multimilliardaire américain. Non pas qu’Elon Musk soit lui-même un climato-sceptique – il a déclaré en 2018 que « le changement climatique est la plus grande menace à laquelle l’humanité est confrontée depuis le début de ce siècle » et est aussi le propriétaire du fabricant de voitures électriques Telsa – mais il est surtout et avant tout un « libertarien ». Cette philosophie politique, contraction des mots « libéralisme » et « libertaire » et qui a le vent très en poupe actuellement aux Etats-Unis, notamment chez les propriétaires des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Twitter) de la Silicon Valley s’oppose à toute intervention de l’Etat dans l’économie, et donc à toute régulation. Ce qui, appliqué par Elon Musk à Twitter, donne ceci : plus de régulation des contenus et retour des comptes bannis comme celui de Donald Trump, champion n°1 du climato-scepticisme et des fausses nouvelles. Ce qui veut dire en clair que c’est la porte encore plus ouverte à la haine, au dénigrement et à la désinformation ! Sans compter le développement des « avatars » en ligne, ces faux comptes rédigés par des robots et appartenant à des entreprises spécialisées dans la manipulation de l’opinion. Et cela à l’échelle de la planète tout entière !

Dans une tribune publiée par le Monde en octobre 2020, la sociologue Nathalie Heinich, nous avait déjà alerté sur ce qu’elle appelait « les ravages décivilisateurs des réseaux sociaux ». Elle nous posait déjà cette question : « Comment habiter dans un monde commun lorsqu’on ne sait plus ce qu’est une information vérifiée, une vérité scientifiquement établie ? ». L’auteur de ces lignes, qui n’a jamais eu de compte Twitter et qui a toujours cru à l’utilité d’être relu par une hiérarchie avant d’être publié (y compris pour un édito pour le site des JNE ) est preneur de votre réponse à cette question de plus en plus angoissante.

* Ancien de l’hebdomadaire la Vie et ex vice-président des JNE, OIivier Nouaillas collabore aux Atlas La Vie/Le Monde.  Il a publié de nombreux livres sur l’écologie, dont Quel Climat pour demain ?, avec Jean Jouzel, aux éditions Dunod.

Image du haut : deux années d’échanges Twitter passées aux macroscopes par l’équipe du Climatoscope