« Foutons la paix à la nature ! » : ce slogan que n’aurait pas renié François Terrasson* est le titre de l’évènement que la Coordination Libre Evolution (CLE)** a organisé le 17 octobre 2025 à Paris dans les locaux de l’Académie du climat.
par Jean-Claude Génot *
La CLE est un collectif d’acteurs et non une association, qui a pour but de rassembler des personnes, des associations ou des institutions pour qui il est nécessaire et urgent de développer des zones de libre évolution en France, qui se donnent comme objectif 10 % du territoire français terrestre métropolitain en libre évolution d’ici à 2030 et qui veulent développer des idées mais surtout des actions communes en faveur de la libre évolution.
Dès sa création en 2021, la CLE a rédigé une motion constitutive qui détaille les éléments cités précédemment et s’est donnée trois objectifs : communiquer sur la libre évolution, la mettre en œuvre sur le terrain et peser dans le débat public. La CLE a également rédigé un guide pratique à destination des collectivités territoriales pour laisser évoluer des espaces à différentes échelles d’un territoire (commune, département, région). Elle a organisé des conférences sur la libre évolution et sur le thème des relations entre les ongulés sauvages, les prédateurs et la forêt. Les réunions entre les membres de la CLE se font en visio-conférence, c’est pourquoi la rencontre des membres actifs de la CLE à Paris était en soi un évènement. Au programme de la journée : une série d’ateliers de réflexion sur la communication, les arguments en faveur de la libre évolution et la stratégie pour sensibiliser les élus à divers niveaux, un « village des solutions » avec chaque association tenant un stand pour répondre aux questions des visiteurs et enfin une série de conférences avec les thèmes suivants : la libre évolution, à quoi ça sert ?, Faut-il avoir peur de la libre évolution ?, Réensauvager la France, les bonnes nouvelles et Comment devenir acteur de la libre évolution ?
Ayant eu l’honneur de donner la conférence introductive La libre évolution à quoi ça sert ?, j’ai pu développer certains aspects comme les concepts de la conservation de la nature qui sous-tendent la libre évolution, à savoir la naturalité, la féralité et le réensauvagement ou rewilding. La libre évolution concerne autant un lieu de nature férale aussi extrême que la zone d’exclusion de Tchernobyl ou que la forêt à haut degré de naturalité du parc national de Bielowieza. Les termes qui conviennent le mieux à la libre évolution sont : sauvage, spontané, autonome, dynamique et potentiel évolutif. Pour la CLE un espace en libre évolution est une zone gouvernée par des processus naturels. Il est non ou peu modifié et sans activité humaine intrusive ou extractive, habitat permanent, infrastructure ou perturbation visuelle.
Les effets de la libre évolution sont :
– l’apparition d’espèces spécialisées;
– le retour des processus naturels : la succession, la sénescence, l’herbivorie, la prédation, la nécrophagie, la création d’habitats par des espèces architectes;
– l’adaptation aux changements climatiques (l’ambiance forestière protège les sols en cas de sécheresse, le bois mort conserve l’humidité et les très gros arbres sont des dissipateurs de chaleur);
– une meilleure résilience des écosystèmes.
Pourquoi faire le choix de la libre évolution ?
– pour suivre les processus dynamiques : on ne connaît la nature que si on la suit à long terme;
– pour adopter des solutions fondées sur la nature face aux effets du changement climatique : recul du trait de côte et érosion sur le littoral, glissement de terrain et éboulement en montagne, inondation en plaine et incendie de forêt. Dans ces cas la libre évolution devient une option incontournable;
– pour éviter le « mirage » de la conservation et pour lâcher prise car comme le dit le généticien André Langaney « l’idée même de conserver une nature qui par essence change est un mirage lié à la courte durée de vie humaine »;
– pour permettre une évolution des milieux naturels libérée des pressions humaines;
– pour percevoir la nature autrement : ressentir un sentiment de silence, d’intemporalité et d’oubli selon notre collègue Bernard Boisson, un sentiment d’humilité selon l’écologiste américain Aldo Leopold et un sentiment de liberté selon le penseur Rodolphe Christin.
J’invite les collègues des JNE (et les autres lecteurs de cet article) qui veulent en savoir plus à me contacter.
* Ecologue
* https://www.jne-asso.org/2025/09/30/francois-terrasson-penseur-radical-de-la-nature-rencontre-sur-nos-relations-avec-le-vivant-le-8-janvier-2006-a-lacademie-du-climat-paris/
** https://www.coordination-libre-evolution.fr/
Photo : boisement spontané de bouleaux sur une ancienne terre agricole dans les Vosges du Nord © JC Génot




