Révoltes agricoles : monsieur Attal, les réglementations écologiques ne sont pas la cause des impasses de l’agriculture ! – par Pierre Grillet

Lors de son discours dans une ferme de Montastruc-de-Salies en Occitanie le 26 janvier 2024, il fallait apprécier le décorum. Gabriel Attal, derrière une botte de paille, deux ministres assis, celui de l’agriculture, admiratif des paroles de son patron et l’autre, hagard, présent sur ordre pour valider des mesures totalement contraires à l’environnement que lui-même est censé défendre avec, en toile de fond, quelques paysans révoltés mais très sages et un hangar agricole (une stabulation ?) afin de mettre en scène un premier ministre « sur le terrain agricole » au milieu des « gueux ».

par Pierre Grillet

Gabriel Attal était venu pour nouer des liens et montrer toute sa solidarité vis-à-vis d’un monde qu’il ne connaît pas, qu’il méprise et dont il contribue quotidiennement, par les choix politiques de son parti, à faire disparaître au prix d’une concurrence de plus en plus forte. Il a répété qu’il n’était pas question d’intervenir sur les pratiques agricoles, maîtrisées par des professionnels qui connaissent parfaitement leur métier et vis-à-vis desquels nous devons avoir une totale confiance. Le Premier ministre a aussi très clairement évoqué ces Français (aux motivations douteuses) qui osent critiquer les agriculteurs en précisant bien qu’il souhaitait ne plus vouloir « accepter ce type de discours dans le débat public ». Un nouveau délit en perspective ? Avec aussi un ennemi tout désigné : l’écolo… responsable de ces fameuses normes qui mettraient l’agriculture française à genoux.

La nécessité d’un droit de regard citoyen

Certes, être agriculteur, paysan, éleveur, maraîcher exige des savoir-faire, des compétences que nombre d’entre nous ont totalement perdu depuis l’anéantissement puis l’oubli des civilisations paysannes. Être paysan est devenu un véritable métier. Selon Gabriel Attal, la FNSEA, les J.A. et la C. R.(1), nous devrions leur faire une totale confiance et surtout ne plus nous immiscer dans leurs affaires. Désolé, mais ça ne marche pas comme ça. Les agriculteurs produisent nos aliments et utilisent des ressources qui nous sont communes. Nous sommes toutes et tous obligés de boire de l’eau et de nous nourrir pour vivre et notre santé dépend de la manière dont ces aliments sont produits et dont cette eau est ou non polluée. Donc, nous avons un droit, même un devoir de regard sur les pratiques agricoles. Quels produits sont utilisés avec quelles conséquences pour notre santé, comment traite-on les sols que nombre de pratiques actuelles ne cessent d’épuiser?  Comment utilise-t-on l’eau, ressource commune, ainsi que toute l’énergie nécessaire pour faire fonctionner des machines de plus en plus sophistiquées ? Quels sont les impacts de telle ou telle pratique sur l’ensemble du vivant ? Lorsque les productions ne sont pas destinées à l’alimentation, quelles sont-elles, pour quels usages et quelles en sont les pratiques ?

Toutes ces questions, sans parler de l’argent public destiné à l’agriculture, concernent obligatoirement l’ensemble des citoyens et pas uniquement les professionnels et/ou leurs représentants. Non, il ne peut y avoir de confiance aveugle lorsqu’on voit où l’agriculture industrielle nous a entraîné aujourd’hui. Non, il ne peut y avoir de confiance aveugle alors que le président du principal syndicat agricole (FNSEA) n’est autre « qu’un administrateur ou dirigeant d’une grosse quinzaine d’entreprises, de holdings et de fermes : directeur de la multinationale Avril (Isio4, Lesieur, Matines, Puget, etc.), administrateur de la holding du même nom, directeur général de Biogaz du Multien, spécialisé dans la méthanisation, administrateur de Saipol, leader français de la transformation de graines en l’huile, président du conseil d’administration de Sofiprotéol, qui finance des crédits aux agriculteurs… ne possède pas moins de 700 hectares, principalement des céréales oléagineuses (colza, tournesol) mais aussi du blé, de la betterave, du maïs, et de l’orge. Il est aussi maire (sans étiquette) de sa commune Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne) et vice-président de la communauté de communes du pays de l’Ourcq » (2). Cette présidence n’a rien d’un accident de parcours du syndicat.  Rappelons-nous que Monsieur Xavier Beulin, lui-même alors PDG du groupe Avril, fut de 2010 à 2017, jusqu’à sa mort, également président de ce puissant syndicat. En 2022, ce groupe agroalimentaire, pour qui tout va très bien (3), revendiquait 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le contexte inflationniste n’est pas négatif pour tout le monde… Les agriculteurs qui se révoltent devraient probablement et en premier lieu se révolter contre la FNSEA (qui fait aussi office de ministère de l’agriculture bis) et ses dirigeants ! Mais attention, cette nécessaire révolte ne peut passer à aucun moment par un refuge vers une extrême droite qui se fiche pas mal des paysans ou alors seulement avec l’habituel argumentaire identitaire et xénophobe qui était (jusqu’à ce vote honteux de la loi immigration) l’apanage de l’extrême droite. Elle ne passe pas non plus par une Coordination rurale beaucoup trop proche des idées sombres du Rassemblement national.

Le discours démagogique de Gabriel Attal du 26 janvier 2024 vis-à-vis de l’écologie

Le Premier ministre a sorti « dix mesures de simplifications administratives, qui ont pour commun dénominateur de diminuer les recours environnementaux contre des projets de retenues collinaires, de bassines, ou de nouvelles installations agricoles. De plus, les représentants des agriculteurs, syndicat majoritaire en tête, reçoivent l’assurance de disposer d’un accès direct aux préfets qui auront pour ordre de mettre au pas les administrations jugées trop tatillonnes, au premier rang desquelles l’Office national de la biodiversité », souligne le journaliste Stéphane Guérard (4).

Au cours de son exposé, Gabriel Attal a aussi évoqué des discussions à venir concernant le zonage des zones humides. Celles et ceux qui se souviennent de l’attitude de la FNSEA lors de la nouvelles cartographie des cours d’eau en 2015 (voir encadré en bas de cet article), ont de quoi s’inquiéter. Dès le lendemain, sur France Info (5), le ministre « délégué de la FNSEA », Marc Fesneau, devait reprendre à son compte ce discours sans hésiter à accréditer de fausses informations : pour évoquer les réglementations qu’il conviendrait de revoir, il prend l’exemple des dispositions légales qui obligent à débroussailler les territoires et de celles qui visent à préserver les écosystèmes : « Dans le Var, il y a une tortue qui s’appelle la tortue d’Hermann. Elle est très protégée et son risque principal, c’est l’incendie. Mais on ne peut pas débroussailler parce qu’il y a un site de reproduction… ». Marc Cheylan, l’un des fondateurs de la réserve nationale de la plaine des Maures et spécialiste des tortues, répond : « selon ses mots, les OLD (Obligations légales de débroussaillement) sont contraintes par la présence d’espèces protégées. Or, les OLD sont, comme leur nom l’indique, des obligations que tout propriétaire doit respecter pour protéger ses biens. La législation espèces protégées ne s’applique pas dans ce cas et ce sont les communes qui doivent faire respecter cette obligation, pas l’OFB, ni la réserve de la plaine des Maures, ni la gendarmerie » (com. pers.). Autre perle de notre ministre lorsqu’il parle des haies et des réglementations les concernant : « on a la réglementation la plus sévère du monde, la plus encadrée du monde et ça n’a pas empêché la disparition des haies ». Pour ce ministre, il n’y aurait déjà plus de haies… C’est l’État lui-même qui avoue donc son impuissance et préconise de simplifier pour continuer encore plus facilement le saccage. De toutes façons, à quoi bon si, comme l’affirme Fesneau, on n’a pas « empêché la disparition des haies » ? Autant supprimer toute réglementation ! (6)

Comment passer à côté des vrais problèmes qui dérangent les politiques néolibérales

Pourtant, selon la Confédération paysanne, s’attaquer essentiellement aux « contraintes » environnementales, c’est se tromper totalement de cible. La crise agricole nécessite une vision tout autre de l’agriculture pour sortir de ces difficultés qui ne cesseront de croître. La suppression de quelques contraintes écologiques ne fera qu’aggraver, à long terme, une telle situation et encourager les conflits avec les consommateurs. Pendant ce temps-là, les politiques de « libre échange » qui se multiplient sont, elles, particulièrement destructrices pour les agriculteurs. Le 22 novembre 2023, ce sont 83 % des eurodéputé·es, avec le soutien entier de la France (sans aucun débat préalable au Parlement français), qui ont voté en faveur de la ratification de l’accord de libéralisation du commerce entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Le 9 décembre 2023, c’est le traité de libre-échange avec le Chili qui est signé par l’Union européenne …

Actuellement, les tractations concernant le Mercosur (NDLR : zone de libre-échange composée du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay) avancent malgré les déclarations de Macron et le tout récent discours du 26 janvier 2024 de son premier ministre Gabriel Attal : « La France s’oppose de manière très claire à la signature de l’accord commercial controversé entre l’Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur. Je le redis ici de manière très claire, très nette. Le président de la République s’y est toujours opposé et nous continuons et continuerons à nous y opposer ». Voilà qui semble clair effectivement, mais pourtant difficile à croire. Ainsi le journal Reporterre nous rappelle les contradictions de la politique française concernant ces négociations : « En 2020, devant la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron avait déclaré avoir « stoppé net » les négociations à ce sujet. Mais voilà qu’en juin 2023, son désormais ex-ministre du Commerce, Olivier Becht, témoignait vouloir « évidemment conclure » cet accord. « Les négociations n’ont jamais fini, conclut Maxime Combes (économiste). Elles se poursuivent porte close, avec une absence totale de transparence » » (7). Ce journal cite Sylvie Colas, maraîchère et éleveuse de volailles dans le Gers et secrétaire nationale de la Confédération paysanne : « Les traités de libéralisation du commerce, signés entre l’Union européenne et différents pays étrangers, créent pour nous une véritable concurrence déloyale. N’étant pas soumis aux mêmes normes, les produits importés affichent des prix cassés… tirant ainsi les nôtres vers le bas. » Et, pour la journaliste Sophie Chapelle, ce ne sont pas les fameuses « mesures miroirs » (8) qui vont apporter beaucoup d’améliorations dans ce système. « Celles-ci permettent à l’Union européenne de gagner du temps, sans opérer de changement structurel ».

Pour Morgan Ody, paysanne en Bretagne et coordinatrice générale de la Via Campesina, « ces accords anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture pour faire vivre nos territoires et rémunérer le travail paysan ». Une telle attitude ne signifie nullement un repli sur soi qui pourrait s’assimiler à une forme de protection contre tout ce qui viendrait de l’extérieur. Dans la conclusion de son texte, Morgan Ody précise : « Nous soutenons la coopération internationale et la solidarité entre les peuples. Les accords de coopération bilatéraux ou birégionaux devraient avoir pour base les droits humains, conformément à la Déclaration sur les droits des paysan·nes et autres personnes travaillant dans les zones rurales (Undrop). Ils doivent permettre un véritable épanouissement agricole qui donne la priorité à la production alimentaire locale et à l’agriculture paysanne » (9).

Alors que certains gros exploitants s’en sortent parfaitement bien, la majorité des agriculteurs souffre de revenus beaucoup trop bas (10), de dettes permanentes qui s’alourdissent, le tout conduisant à un suicide d’agriculteur tous les deux jours. Les paysans sont de plus en plus malades après avoir utilisé pendant des années des produits toxiques. Les agriculteurs ne cessent de voir leurs effectifs diminuer pendant que les exploitations restantes, les plus « performantes » et/ou « compétitives » s’agrandissent, encouragées par la PAC avec force subventions et une politique largement soutenue par la FNSEA et son équivalent européen, la Copa (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne). De tels résultats ne peuvent qu’aboutir au constat d’un véritable échec de la politique agricole actuelle. Quelques mesures pourraient au moins limiter ce marasme : l’encadrement des marges des industries agroalimentaires (permettant de faire baisser les prix pour les consommateurs) avec la mise en place de prix planchers (minimum) (11) pour l’achat des matières premières agricoles aux producteurs et un moratoire sur les traités de libre-échange (12). Une proposition de loi contenant trois articles sur l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, de la grande distribution et de l’activité de raffinage et un article sur la fixation d’un prix d’achat plancher des matières premières agricoles aux producteurs, déposée par LFI en novembre 2023, avait été rejetée à… 6 voix près en raison du refus des macronistes et des LR. La mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation, une idée développée par le Réseau salariat (13) suscite de plus en plus de réflexions au sein de la Confédération paysanne notamment. Une telle initiative pourrait tout à la fois permettre à tous les citoyens de choisir réellement leur nourriture et aux paysans conventionnés car respectant une certaine qualité de production, de mieux en vivre. Ce serait un beau sujet de travail pour un gouvernement réellement désireux de porter par le haut une agriculture de qualité avec des agriculteurs/paysans heureux de leur métier.

Critiquer l’agriculture industrielle : bientôt un nouveau délit en France ?

Vous laissez croire, monsieur le Premier ministre, par vos propos, que nous ne pourrions plus critiquer des pratiques pourtant fortement préjudiciables à la fois pour les paysans, pour notre alimentation, nos ressources et l’ensemble du vivant. Après la fameuse cellule Demeter (14),pourquoi ne pas créer un délit de dénigrement agricole ? De plus en plus de citoyens, parmi lesquels de nombreux paysans critiquent et critiqueront une agriculture industrielle autant destructrice du vivant, dont le monde agricole lui-même, que gaspilleuse en énergie et sans avenir. Ils soutiendront autant que possible les paysans travaillant au sein d’exploitations de taille réduite et soucieux de produire une nourriture de qualité. Ils continueront, avec beaucoup d’autres, à combattre ces monstrueuses bassines agricoles, dont le seul objectif est de maintenir à tout prix (quel que soit leur coût) une agriculture désormais obsolète.

Vous et vos alliés de la FNSEA refusez de voir deux mondes agricoles opposés. Deux mondes qui expriment deux choix de société radicalement différents et qui ne pourront coexister encore bien longtemps. Des choix de société qui, dans une véritable démocratie, devraient incomber à l’ensemble de la population et non pas au seul bon vouloir de quelques représentants agricoles influents et de politiques dont la légitimité s’amenuise au fur et à mesure des élections… Emmanuel Macron devrait se rappeler chaque jour en se rasant qu’il n’a été élu en 2022 que par une proportion minoritaire de Français : seulement 38,52 % des inscrits au deuxième tour alors qu’il était confronté à l’extrême droite. Sur ces 38 % et selon France Info, 43%  disent avoir voté par défaut en premier lieu pour faire barrage à Marine Le Pen. Ce sont donc moins de 22 % des électeurs qui ont voté par adhésion à son programme. Même si une telle élection reste parfaitement légale, il y aurait de quoi rester particulièrement humble pour le « pouvoir » en place. De quoi mettre un terme à cette politique autoritaire que nous subissons quotidiennement. De quoi donner plus de place aux discussions et propositions en permettant à tous les citoyens qui le souhaitent de s’exprimer, sans mainmise étatique (la caricature d’un soi-disant « grand débat » mis en scène par Emmanuel Macron lors de la révolte des gilets jaunes doit nous servir de leçon). Le véritable enjeu est là et certainement pas de s’en prendre aux quelques réglementations environnementales dont le niveau est déjà bien faible. « Il y a un cap, il est clair », a dit le Premier ministre lors de son discours agricole. Pour Amélie Poinssot, il « est parfaitement clair, en effet : c’est celui du grand retour en arrière, avec le moins de mesures environnementales possible » (15).

(1) FNSEA : Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, J.A. : Jeunes agriculteurs (syndicat frère de la FNSEA). C.R. : Coordination rurale, syndicat positionné très à droite. Conf. : Confédération paysanne : syndicat défendant les petits paysans et une agriculture de proximité opposé à l’agriculture industrielle.

(2) Pierric Marissal. 2024 (26 janvier). « A la tête de la FNSEA, qui est Arnaud Rousseau, le businessman qui voulait passer pour un paysan ? ». L’Humanité.

(3) L’excédent brut d’exploitation (EBE) du groupe Avril s’élève en 2022 à 583 millions d’euros, en hausse de 64 %. Le chiffre d’affaires atteint 9 milliards d’euros, en progression de + 32 %, tiré par le dynamisme de l’activité économique européenne, le contexte inflationniste des matières premières ainsi que le succès des produits à plus forte valeur ajoutée, comme Oleo100 ou les ingrédients de spécialité. Enfin, le résultat net part du groupe s’élève à 218 millions d’euros, en progression de + 45 %.

(4) Stéphane Guérard. 2024 (26 janvier). « Colère paysanne : Gabriel Attal annonce des mesures pas chères qui ne convainquent pas les syndicats ». L’Humanité.

(5) https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/colere-des-agriculteurs-il-faut-qu-on-tricote-et-qu-on-detricote-toutes-les-reglementations-qui-sont-contradictoires-plaide-marc-fesneau_6329106.html

(6) Marc Fesneau est un habitué des fake news : il a ainsi longtemps maintenu à travers la presse que les méga-bassines se remplissaient avec l’eau de pluie.

(7) Emmanuel Clévenot. 2024 (24 janvier). « Ça nous a anéanti  »: le libre-échange tue l’agriculture française. Reporterre.

(8) Une clause miroir est supposée imposer réciproquement les mêmes normes sanitaires, sociales et/ou environnementales sur les biens échangés entre deux parties.

(9) Confédération paysanne. 2024 (25 janvier). « Il est temps de sortir du paradigme du libre-échange ». Un dossier complet à lire. Les propos de Sophie Chapelle sont également extraits de ce dossier.

(10) En 2023, il y eu une baisse des prix agricoles de 10 % alors que les prix alimentaires pour la population augmentaient de… 14 %. Les marges des industries agroalimentaires ont augmenté en deux années de 28 à 48 % !

(11) Le prix plancher permettrait d’interdire de vendre des produits en dessous de leur prix de revient.

(12) Une proposition de « clause de sauvegarde environnementale et sanitaire » est également portée par des élus. Celle-ci permettrait de refuser l’entrée en France d’un produit qui n’aurait pas respecté les mêmes normes (utilisation par exemple d’un pesticide alors qu’il serait interdit en France) afin d’empêcher toute concurrence déloyale.

(13) Pour en savoir plus sur cette intéressante initiative, il faut aller sur le site de Réseau salariat.

(14) Créée sous Macron début octobre 2019 par la Gendarmerie nationale, la Cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole (cellule DEMETER) est destinée à apporter une réponse globale et coordonnée à l’ensemble des problématiques de sécurité qui touchent le monde agricole. Dans ce cadre, une convention a également été signée entre le ministère de l’Intérieur et les deux principaux syndicats agricoles, la FNSEA et les JA. Cette cellule vise entre autres « des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement… ». La porte ouverte pour dénoncer n’importe quel individu écrivant à l’encontre l’agriculture industrielle !

(15) Amélie Poinssot. 2024 (26 janvier). Gabriel Attal au monde agricole : « un jour de sursaut » et un grand retour en arrière sur l’écologie. Mediapart.

L’écolo : ennemi n°1 ?
Au travers des discours récents de Attal et de ces ministres dont le pitoyable Marc Fesneau, « l’écolo » ferait figure d’épouvantail pour notre agriculture. Un ennemi clairement désigné. De quoi motiver encore un peu plus des syndicats très à droite comme la Coordination rurale qui ne dédaigne pas les actions d’intimidations parfois très violentes vis-à-vis de ces militants (ainsi que la FNSEA et les J.A.). Les citoyens opposés aux bassines, tout comme les naturalistes et certains scientifiques qui se préoccupent du sort de telle ou telle espèce menacée, ou plus globalement de prise en compte du vivant, sont montrés du doigt comme étant parmi les principaux responsables du marasme agricole actuel. Un récit mensonger mais finalement relativement efficace vis-à-vis de certaines populations. Un récit fabriqué par un système à bout de souffle et prêt à tout pour se maintenir. Avec une telle attitude du pouvoir, les lendemains qui arrivent promettent d’être particulièrement conflictuels… Et, monsieur le Premier ministre, sachez qu’on obtient rarement la confiance en voulant l’imposer.

La remise à plat de la cartographie des cours d’eau en France en 2015

En 2015, sous la pression de la FNSEA, sinistre syndicat agricole majoritaire, le Premier ministre Manuel Valls, toujours très obéissant face à ce puissant lobby, avait ordonné une remise à plat de la cartographie des cours d’eau en France. Au prétexte de vouloir « clarifier » les choses, les agriculteurs industriels, avec leur syndicat préféré, en ont profité pour « simplifier » au maximum la cartographie de ces cours d’eau en supprimant une bonne partie d’entre eux !

Bon, le Rhône, l’Isère, la Sèvres niortaise, la Sèvre nantaise, l’Allier, la Charente, la Loire sont bien identifiés comme fleuve ou rivière et il n’est pas question de les supprimer. Mais cette « simplification », grâce au travail assidu des chambres d’agricultures pilotées, pour l’essentiel, par la FNSEA, va aboutir à déclassifier un très grand nombre de petits cours d’eau et talwegs qui, par milliers, sont pourtant bien présents, alimentent une multitude de ruisseaux et remplissent ainsi un rôle très important dans le fonctionnement d’une rivière. Finalement, c’est l’ensemble du petit chevelu, le plus souvent en tête de bassin versant ainsi que les écoulements proches des grandes surfaces de cultures, que la FNSEA a voulu faire disparaître.

Résultats : « Dans le Maine-et-Loire, 1.500 écoulements sur les 9.000 qui figuraient sur la carte de l’Institut géographique national ont disparu. Dans le Marais poitevin, il y a une perte énorme. En Tarn-et-Garonne, près de 30 % des cours d’eau ont été déclassés. En Indre-et-Loire, sur 7.400 km de cours d’eau et fossés répertoriés jusqu’à présent, 3.200 km ont été purement et simplement effacés, soit 43% du réseau d’eau du département qui a disparu. » (1)

Christian Rieb, en introduction de son livre sur les lacs, rivières et ruisseaux du département du Doubs (2) précise : « Aujourd’hui, sur le territoire national, les ruisseaux font l’objet de mesures particulières. Dans les documents des collectivités territoriales, on les évoque souvent dans le cadre d’opérations destinées à préserver (ou à restaurer) des zones humides ou bien encore à lutter contre la pollution ou les inondations. Malgré cela, le constat que j’ai fait dans mon précédent ouvrage s’applique également aux petits cours d’eau du département du Doubs, car certains restent anonymes sur les cartes et ne sont pas référencés par les organismes gérant les eaux de surface. Dénués d’une existence officielle, ils sont alors en dehors du champ d’application des lois de protection de l’eau. Dans un reportage diffusé dans le journal de 20 heures sur Antenne 2, en juillet 2019, un syndicaliste de la FNSEA d’Indre-et-Loire – estimait que grâce à la simplification opérée dans son département – environ 6000 ha de terres sont préservés pour la mise en culture et plus de 50 emplois sauvegardés ».

(1) Les informations fournies ici proviennent des sources suivantes : Lorène Lavocat & Fabrice Nicolino. 2017 (28 février), mis à jour 2021 (26 mars). « La FNSEA veut faire disparaître les petits cours d’eau de nos cartes ». Reporterre. Lorène Lavocat. 2018 (20 février), mis à jour 2021 (26 mars). « Des milliers de cours d’eau sont rayés de la carte de France, et s’ouvrent aux pesticides ». Reporterre. Virginie Salmen 2020 (15 janvier). Des milliers de cours d’eau disparaissent des cartes préfectorales françaises. Europe1.

(2) Christian Rieb. 2021. Les lacs, rivières et ruisseaux du département du Doubs À la source de leurs noms. Éditions Cabédita.