Petit traité d’écopsychologie. Pour une transformation radicale de la société par Yoan Svejcar. Préface de Marie Romanens et Gauthier Chapelle

Le champ interdisciplinaire de l’écopsychologie a fait une apparition longue et graduelle en francophonie depuis 1996, mais semble au fil du temps avoir un peu plus de représentants… dont Yoan Svejcar par ce livre. Cet auteur est par ailleurs associé à Emmanuelle Delrieu dans cette ligne d’investigations. On rapporte le néologisme « écopsychologie » à Théodore Roszak, écrivain et professeur à l’université de Stanford (Californie) décédé en 2011. Il s’agit d’un courant visant à diagnostiquer les causes et les conséquences psychologiques de notre crise écologique planétaire ainsi que de formuler leurs solutions antidotes. Par la suite, l’écopsychologie est devenue l’enseigne de tout un champ interdisciplinaire, entériné par un collectif d’environ 25 auteurs en 1995, dont nous avons une traduction condensée également en 2023 aux éditions wild project. A signaler encore que l’écopsychologie est née avant son néologisme et en parallèle, en dehors de son enseigne. Notamment en France, avec une figure comme François Terrasson très familière au sein de notre association les JNE jusqu’en 2006, année de son décès. Outre que François Terrasson  avait eu vent de cette approche par la revue Environnemental Ethics, nous nous étions retrouvés dans un colloque de ce nom dans le Vercors en 1999 avec aussi Roland de Miller. Mon acte de colloque à ce moment ayant eu une valeur de recension en charge de représenter le livre nord-américain d’ecopsychologie, ce compte-rendu s’est ensuite vu publié par la revue Silence avec un article connexe de François Terrasson. Il reste toujours accessible sur le web.

Ce courant ne s’est jamais endormi depuis, et le livre de Yoan Svejcar a le mérite d’une synthèse et d’une mise à jour faisant état d’auteurs inscrits dans la filiation d’esprit de cette approche ; exercice au demeurant difficile tellement le sujet est très foisonnant et qu’il n’est aisé pour personne de le rendre lisible en le résumant à des lignes de forces simples sans risque d’exclure des apports clés. Ce type d’ouvrage demeure donc précieux à qui veut gagner du temps de compréhension permettant une vision panoramique sur ce champ interdisciplinaire. Dans son ouvrage d’érudition, Yoan Svejcar reprend en citations les apports de maintes figures emblématiques de ce courant. Ici, j’aurais envie de mettre en exergue celle de l’activiste australien John Seed qu’il a choisi, tellement elle dit pourquoi nous ne pouvons éluder le sujet représenté par cet ouvrage : « L’une des raisons pour lesquelles le mouvement environnemental n’a pas réussi à nous éveiller suffisamment à la tâche à accomplir est certainement son incompétence psychologique. Mais que peut-il faire ? Nous matraquer avec des statistiques plus horribles ? Plus de malheur et de tristesse ? Sûrement pas […] Si ce n’est pas plus de culpabilité dont nous avons besoin pour changer notre comportement que pouvons-nous faire ?… » Je crois que le recours d’attention à l’écopsychologie pour tout nouveau venu, démarrera précisément à l’instant de ce désarroi déclaré par tout lanceur d’alerte.

Car j’ai remarqué que les scientifiques-naturalistes, les ONG, les militants écolos… éludent autant cet angle d’entrée dans le sujet que les professionnels et les intérêts qu’ils se chargent de critiquer. Cela pour la simple raison qu’ils sont aussi incompétents que ceux qu’ils dénoncent lorsqu’il s‘agit enfin de traiter les problèmes à « la racine » ! C’est-à-dire dans notre psychologie profonde… Même la sociologie en France n’a su pourvoir à cette lacune tandis qu’on la voit parfois mandatée par défaut. Nous avons déjà perdu quasiment trois décennies depuis que le néologisme « écopsychologie » existe pour allumer les esprits sur un manquement en prise de conscience qui a déjà que bien trop perduré. Le livre de Yoan Svejcar constituera dès lors une lecture de rattrapage pour tous ceux ayant omis cette entrée cruciale dans les sujets écologiques.

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Éditions Le bois d’Orion, 183 pages, 18 €
Contact éditeur : c.lemellec@lemellecconseil.com
(Bernard Boisson)
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