La ferme usine de Coussay-les-Bois, exemple d’un projet obsolète et d’une résistance collective en 2023

Autour de Coussay-les-Bois, dans la Vienne, la contestation grandit contre une méga-ferme industrielle en construction, implantée au cœur d’une ZNIEFF (zone d’intérêt écologique floristique et faunistique).

par Pierre Grillet

L’histoire commence par la création de l’Association de Sauvegarde et de la Protection de l’Environnement de Coussay-les-Bois et de sa région Thermale (ASPECT), très axée autour des problématiques liées à l’utilisation de l’eau et à la préservation de sa qualité. « Créée en 2003, elle a très vite été amenée à lutter, avec succès, contre les impacts négatifs provoqués par un centre d’enfouissement de déchets. C’est en 2014 et 2015 que le projet de construction d’une ferme usine à quelques kilomètres du bourg situé dans la Vienne, a été lancé ». Valentin Cognard, qui présente ainsi l’ASPECT, est l’un des vice-présidents de l’association. Un jeune qui tient à rappeler les origines de la structure dont il est aujourd’hui un militant actif.

Une ferme usine pour le « business » d’un homme seul contre la société !

Valentin Cognard résume ainsi la situation : « Le porteur du projet de méga-ferme est un industriel à la tête de plusieurs sociétés et surtout un employeur, un argument dont il sait parfaitement se servir auprès des autorités. Un véritable homme d’affaires qui n’hésite pas à proclamer lorsqu’il est interrogé dans la presse locale que son rôle est de faire du « business ». S’il ne peut pas le faire ici, il ira ailleurs et il faudra renoncer aux emplois comme il n’hésite pas à le déclarer ! Ce projet qui devrait, s’il se réalise,  » recevoir jusqu’à 1200, peut-être même 1700 taurillons  »  s’inscrit totalement dans cet unique objectif : faire des affaires ». Il n’a que faire des opposition massives et du non-sens d’un tel projet en 2023.

Une production de mauvaise qualité, qui coûte cher pour la planète et refilée aux… Africains !

Les taurillons resteront enfermés, « seront nourris pour l’essentiel à partir d’aliments fabriqués par une société de Châtellerault dont il est lui-même le patron », indique Valentin Cognard, qui précise : « Les taurillons seront engraissés dans cette ferme usine, pour y être abattus et la viande, de mauvaise qualité, sera destinée aux Marocains et aux Italiens » !

Un projet qui ne respecte ni le vivant non humain, ni la ressource en eau !

La ferme usine sera implantée au cœur d’une ZNIEFF (zone d’intérêt écologique floristique et faunistique) avec, bien entendu, une usine de méthanisation qui devrait acheminer le gaz vers une autre usine située à Châtellerault et appartenant à la société du porteur de projet. A tout ceci, s’ajoutent les graves problèmes de pollution de l’eau qui seront causés par les épandages. Car cette future méga-ferme ainsi que son plan d’épandage sont situés dans le périmètre de protection d’un captage qui alimente trois communes en eau potable !

Que cache la méthanisation ?

Pour produire du méthane, il faut impérativement incorporer des végétaux afin d’obtenir les meilleurs rendements. Cette ferme ne produira que des déchets venant des animaux. Quelle sera la part de végétaux et d’où viendront-ils ? Certains exploitants agricoles ne seront-ils pas alors incités à produire encore plus de maïs ? Que deviendront les digestats, ces déchets de la méthanisation que l’on vante comme fertilisants, alors que l’on s’interroge encore sur leur possible nocivité ?

Un combat qui dure depuis 10 ans ! Un grand déni démocratique (comme dans la plupart des cas dénoncés par le Convoi de l’eau)

Avec l’appui de la municipalité qui s’est toujours opposée au projet, l’association organise des réunions d’informations dès 2015 et c’est en 2016 que débute l’enquête publique… Ouverte à toutes et à tous, elle est censée recueillir l’avis des citoyens qui sont analysés par un commissaire enquêteur, lequel doit rendre un avis favorable (avec ou sans réserve) ou défavorable. A l’issue de cette enquête, le préfet donne ou non son autorisation. Il peut suivre un avis défavorable et ne pas autoriser le projet mais il peut, même dans le cas d’une opposition de la part du commissaire enquêteur, passer outre et déclarer le projet d’utilité (et nous connaissons de nombreux exemples de ce type en France).

Valentin Cognard insiste : « Les élus locaux et l’ensemble de la population se sont exprimés contre le projet avec des arguments. Très peu d’avis positifs ont été enregistrés. Pourtant, le projet a reçu un avis favorable du commissaire enquêteur avec seulement deux réserves dont l’une, particulièrement inquiétante, portait sur les risques de pollution du captage fournissant la commune de Coussay-les-Bois en eau potable ». La presse locale, à ce moment-là, reproduisait ainsi les propos du commissaire à l’issue de l’enquête : « L’enquêteur reconnaît dans son compte-rendu d’avis qu’elle a permis au public d’exprimer dans sa très grande majorité son hostilité au projet ».

Dans une véritable démocratie, l’expression des élus et d’une majorité de citoyens, motivée, argumentée ainsi que les risques reconnus pour l’eau potable auraient dû être suffisants pour que l’État (la préfecture) s’oppose. Pourtant, c’est le contraire qui a été décidé, une fois de plus.

D’interminables batailles juridiques combinées à des actions locales

L’association engage alors des recours juridiques qui vont considérablement ralentir le projet ainsi que des manifestations, dont certaines se traduisent par des blocages de chantier. En juin 2020, une consultation publique complémentaire à l’enquête publique se traduit par 340 contributions quasi toutes négatives et une pétition recueillant plus de 25000 signatures !

Le permis de construire délivré en septembre 2019 a été attaqué par l’association et la mairie de Coussay-les-Bois ,mais celles-ci ont été déboutées par le tribunal administratif en 2022. Des recours sont actuellement en attente bien que les travaux soient commencés et pour certains achevés.

De nombreuses plaintes administratives et pénales argumentées pour le non-respect dudit permis de construire actuellement accordé existent, et vont devoir obtenir une réponse du procureur de la République et des tribunaux administratifs (période de construction non respectée, mares sur le site, asséchées et mal protégées, début d’exploitation sans fin de travaux déclarés en mairie, ni système de protection incendie en présence de stockage très important de pailles …).

Un collectif pour être plus efficace

Dès le départ, l’association et la mairie se sont appuyés localement sur des structures partenaires. La création d’un collectif des opposants à la ferme usine de Coussay-les-Bois regroupant 14 structures s’est très vite imposée pour regrouper les forces et être mieux écoutés. Ce collectif regroupe les associations de protection de la nature comme Vienne Nature, la Confédération paysanne, la mairie de Coussay-les-Bois, Terre de liens, Biocoop, UFC Que choisir, Espri’Colibri, Vienne Agrobio, les Amis de la Terre, VGCA, ATTAC Châtellerault, Bien commun La Puye, Nous voulons des coquelicots, ASPECT.

L’impressionnant cortège du Convoi de l’eau se dirigeant vers Coussay-les-Bois © François Bigot

Un point fort lors du passage du Convoi de l’eau

L’étape du Convoi de l’eau restera un moment fort de la lutte. L’association et le collectif ont montré leur capacité, avec le soutien de la mairie, pour accueillir dans d’excellentes conditions près d’un millier de personnes. Environ 100 bénévoles se sont investis pour l’occasion avec des stands d’information, une logistique quasi parfaite et une soirée débats consacrée à l’agriculture paysanne avec la Confédération paysanne. Il fallait voir l’arrivée des cyclistes en fin de journée, la haie d’honneur où plusieurs centaines de personnes les ont acclamés, les sourires des participants après une journée caniculaire, de quoi redonner de l’énergie pour aller au bout du combat.

La ferme usine en chantier sous haute protection avant l’arrivée du Convoi de l’eau  à Coussay-les-Bois © François Bigot

En conclusion et n’ayant pu assister à la « visite » de ce chantier par le Convoi de l’eau, voici un extrait du communiqué publié le 21 août par le collectif suite à ce rendez-vous : « Dans la ferme-usine, ne sont pour l’instant élevés que 7 camions de gendarmes-mobiles et leurs habitant.es. Après une entrée en matière de la Fanfare Invisible qui vient de rejoindre le convoi depuis Paris, la maire de Coussay, Elisabeth Michel, et des membres du collectif, disent leur colère de voir la ferme-usine se construire sous leur nez malgré tout. Ils partagent aussi leur joie d’avoir rencontré la coordination nationale contre les fermes-usines avec qui s’allier et porter des actions communes simultanées ou converger. Partout en France, et notamment en Bretagne, où l’élevage industriel a fait proliférer les algues vertes, poussent des chantiers de fermes-usines, poules, cochons, vaches, au fond peu importe l’espèce pour lui. Autant d’aberrations de la « production animale industrielle » contre lesquelles la Confédération Paysanne se mobilise et défend un élevage paysan qui soit source de biodiversité plutôt que de ravages. Bassines Non Merci clôt et marque le trait d’union avec le combat contre l’accaparement de l’eau. Pour l’heure, le Convoi et les habitant.es de Coussay-les-Bois reprennent en chœur :  » Pas de bassines ni de fermes-usines, c’est tous·tes ensemble qu’il faut lutter et on va toutes les démonter « . Après cette rencontre sur le terrain pour mieux en appréhender la topographie et les enjeux, il faudra donc revenir ! »

Une mobilisation nationale le 7 octobre

Une mobilisation nationale proposée par le Rafu (résistances aux fermes-usines) contre les projets de fermes-usines est programmée pour le 7 octobre 2023. L’association ASPECT et l’ensemble du collectif des opposants à la ferme usine de Coussay-les-Bois se joignent évidemment à cet appel et prévoient des actions ce jour-là. Espérons que des JNE suivront de près cette résistance !

Un épisode d’une lutte à suivre sur les sites suivants :
l’ASPECT
le collectif
le Rafu (résistances aux fermes-usines)

Photo du haut : Valentin Cognard, l’un des co-présidents de l’association ASPECT. L’association compte actuellement 200 membres. Son rayon d’action couvre la commune de Coussay-les-Bois et l’ensemble des communes entre Châtellerault et La Roche-Posay. Elle est rejointe par un collectif composé de structures associatives, syndicales, d’entreprises et de la commune de Coussay-les-Bois © Pierre Grillet et Marie-Do Couturier