Un groupe d’experts, réuni par l’Inserm, a analysé la littérature scientifique afin d’examiner le lien entre l’exposition aux pesticides et une vingtaine de pathologies. Pour six d’entre elles, de fortes présomptions sont énoncées.
par Isabel Soubelet
Myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, lymphomes non hodgkiniens (LNH), bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et bronchite chronique. L’exposition aux pesticides est liée, avec « une présomption forte », à pas moins de ces six pathologies. C’est le résultat de l’expertise collective Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) Pesticides et effets sur la santé : nouvelles données (1), rendue publique le 30 juin 2021, après l’analyse de plus de 5 000 documents pendant trois ans. Ce travail, effectué à la demande de cinq directions de l’État (2), s’inscrit dans le cadre de l’actualisation du précédent rapport (3) commandé par la Direction générale de la santé (DGS) à l’Inserm, en 2013.
Enfants et adultes, tous concernés
L’expertise confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et quatre pathologies : les LNH (présomption forte pour le diazinon), le myélome multiple (présomption moyenne pour le perméthrine), le cancer de la prostate et la maladie de Parkinson. Elle met aussi en évidence la présomption forte de lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et les troubles cognitifs (principalement avec les organophosphorés chez les agriculteurs), ainsi que la BPCO et la bronchite chronique. Pour la santé respiratoire, non traitée en 2013, un lien est identifié entre 17 substances actives et une pathologie ou une atteinte d’un paramètre de la fonction respiratoire. « Pour évaluer la plausibilité biologique de ce lien, trois effets ont été étudiés en toxicologie : le stress oxydant, la mitotoxicité et l’immunomodulation, souligne Xavier Coumoul, professeur des universités (université de Paris) et directeur de l’équipe Inserm-Metatox. Parmi 17 pesticides, 11 sont associés à au moins deux effets toxicologiques et deux, la perméthrine et le chlorpyrifos, aux trois effets ». Une présomption de lien moyenne est également mise en évidence dans l’exposition aux pesticides, principalement chez les professionnels, et la maladie d’Alzheimer, les troubles anxio-dépressifs et certains cancers dont les leucémies, les cancers du système nerveux central, de la vessie, du rein, les sarcomes des tissus mous. Mais également l’asthme et les pathologies thyroïdiennes. « Pour l’endométriose, nous avons une présomption faible mais il existe très peu d’études, et pour la maladie d’Alzheimer, la présomption est moyenne. Mais nous sommes confrontés à un problème méthodologique et à la difficulté de récupérer les informations auprès des personnes », estime Xavier Coumoul. Concernant les enfants, l’exposition confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle des parents aux pesticides, sans distinction, pendant la période prénatale. Et les résultats récents conduisent également à une présomption forte d’un lien entre les tumeurs du système nerveux central et l’exposition domestique aux pesticides durant la grossesse ou l’enfance.
Un rapport très attendu
« Ce rapport était très attendu, souligne François Veillerette, porte-parole de l’association Générations Futures. C’est une expertise collective où nous connaissons le nom des chercheurs et les sources. Son intérêt réside dans sa taille et son ampleur. L’étude permet de dessiner un tableau de plus en plus précis des liens entre l’exposition aux pesticides et certaines maladies, même si l’épidémiologie a ses limites. Elle ne montre pas de relation de cause à effet. Au plus, nous pouvons avoir des présomptions fortes de liens. Mais nous avons suffisamment de données pour agir car c’est le principe de précaution qui prévaut. Pourtant, il n’y a pas de message politique fort dans ce domaine. Nous sommes plutôt dans une période de recul sur les questions environnementales en lien avec l’agriculture et donc l’utilisation des pesticides. » Pour peser dans les décisions, mais surtout unir les forces pour organiser des actions communes sur les sujets concernés, le Collectif inter-associations pour la santé environnementale (Cise) a vu le jour. Son objectif : faire de la santé environnementale un pilier du système de santé.
Cet article a été publié dans L’infirmièr.e n° 12, septembre 2021.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Pesticides et effets sur la santé : nouvelles données, Éditions EDP Sciences, 2021. En ligne ici.
(2) La Direction générale de la prévention des risques, la Direction générale de la santé, la Direction générale du travail, la Direction générale de la recherche et de l’innovation, et le Secrétariat général du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
(3) Institut national de la santé et de la recherche médicale, Pesticides : effets sur la santé, Éditions Inserm, 2013. En ligne là.
Photo du haut © Franck Barske/Pixabay.