Changement climatique : en Algérie, les hirondelles modifient leurs habitudes

Où sont passées les hirondelles ? L’alerte lancée par le président de l’Association des chasseurs d’Alger a trouvé écho chez des confrères qui ont rapporté les informations à propos d’une diminution du nombre d’hirondelles de passage au centre du pays.

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par M’hamed Rebah

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Arrivées en mars, comme à leur habitude, elles sont reparties sans même construire leurs nids, selon le constat établi par cette Association. Sans doute, à cause de la pluie et des pointes de froid. La dernière semaine de mai a eu de beaux jours, de quoi les faire revenir. Il suffisait de lever les yeux pour les voir tournoyer dans le ciel algérois. Les hirondelles n’évitent pas la capitale, comme on pourrait le croire à la lecture des médias, mais elles sont moins nombreuses et ne restent pas aussi longtemps qu’avant.

Cette année, elles sont venues en plein ramadhan pour annoncer un printemps qui a du retard. Le changement climatique décale les saisons, d’une façon nette, perceptible par tous. Ce phénomène déboussole les hirondelles. C’est l’avis du président de l’Association des chasseurs d’Alger, qui estime que la cause du recul notable de leur population, cette année, dans les wilayas du centre du pays, est due au changement climatique. L’hiver s’est prolongé au delà de sa saison. En réalité, il y a de moins en moins d’hirondelles depuis les années 1990 et la tendance s’est aggravée, selon les rapports établis par les ornithologues algériens qui ont observé ce déclin dans plusieurs régions du pays. Elles réagiraient ainsi au changement climatique mais aussi, selon d’autres spécialistes, aux aménagements apportés dans les constructions. Les nuisances urbaines diverses (pollution et bruit) auraient fini par décourager les hirondelles d’aller dans les villes algériennes. En plus, elles ne trouvent plus où mettre leurs nids, les nouvelles constructions leur ont fait perdre leurs repères.

Il y a quelques années, le ministre de l’Agriculture, lui-même, avait dénoncé l’usage excessif des pesticides et des insecticides qui contaminent la nourriture des hirondelles et provoquent leur empoisonnement. Par contre, il y a des espèces qui se sentent plutôt bien, notamment à Alger, malgré les mauvaises conditions écologiques. En toutes saisons, les goélands se posent sur les terrasses des immeubles et même sur les balcons des étages inférieurs des habitations tout en se gardant d’aller, comme les pigeons, jusque sur la chaussée ou sur les trottoirs. Les corbeaux, peu communs dans le paysage urbain de la capitale, font des incursions là où l’insalubrité domine. On peut en croiser à la Casbah dont certaines ruelles sont très souvent jonchées de déchets alimentaires.

Le bouleversement dans les mouvements des oiseaux migrateurs est observé dans les zones humides, classées ou pas, mais d’une manière plus contrastée. Il y a des zones humides qui reçoivent plus d’oiseaux migrateurs, d’autres en accueillent moins, selon les décomptes faits par les ornithologues. En 2016, la conservation des forêts d’Oran a enregistré, dans le cadre du décompte hivernal international des oiseaux d’eau, une baisse du nombre d’oiseaux d’eau migrateurs dans les zones humides de la wilaya, qui fut expliquée par les conditions climatiques défavorables lors de la saison de migration qui se sont répercutées sur le niveau des plans d’eau, presque secs du fait de l’absence de pluviométrie durant les mois de septembre et octobre de l’année précédente. Il y a aussi de belles surprises. La même année, 2016, un oiseau d’une espèce très rare a été pris en photo dans une zone humide à Ain Témouchent (ouest du pays), par des membres d’une association écologique locale qui fait partie réseau national de l’ornithologie de la Direction générale des forêts. Il s’agit d’un courlis à bec grêle, qui vit l’été en Sibérie et passe l’hiver en Méditerranée. En Algérie, les oiseaux migrateurs semblent moins sensibles à l’impact du changement climatique sur les zones humides qu’à la dégradation de l’environnement due à la pollution (eaux usées et déchets) qui agresse ces écosystèmes fragiles.

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Cet article est paru dans La Nouvelle République (Alger) du jeudi 31 mai 2018.

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