Nouveau gouvernement en Algérie : un tandem inédit Environnement-Energies renouvelables

La création d’un ministère de l’Environnement et des Energies renouvelables et la nomination à sa tête d’une femme, Fatma-Zohra Zerouati, militante écologiste et ancienne journaliste, ont été à la fois une grosse surprise et une innovation de taille dans la composition du gouvernement algérien annoncé le 25 mai dernier.

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par M’hamed Rebah

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Fatma-Zohra Zerouati, ministre de l’Environnement et des Energies renouvelables (Algérie)

Peu d’observateurs s’attendaient au retour de l’Environnement dans la nomenclature de l’Exécutif comme ministère à part entière, et ceux qui n’excluaient pas cette éventualité n’ont sans aucun doute jamais pensé que les Energies renouvelables « déménageraient » du ministère de l’Energie pour se « loger » au ministère de l’Environnement. Pour y faire quoi ? C’est plutôt le scepticisme dans le monde algérien de l’Energie, dominé, voire écrasé, par des spécialistes et experts très attachés aux ressources fossiles que sont les hydrocarbures ; certains d’entre eux sont même partisans de l’exploitation du gaz de schiste. Déjà, les pro-fossiles ne manquaient pas d’arguments pour semer le doute, sinon le discrédit, sur le programme de développement des énergies renouvelables. Ils pensent certainement avoir un argument supplémentaire avec cette sorte d’autonomie prise par les Energies renouvelables par rapport à la maison-mère Energie. En effet, sans les ressources financières des deux grosses entreprises que sont Sonatrach et Sonelgaz, sans les moyens de réalisation et l’expertise du secteur traditionnel de l’Energie, le ministère de l’Environnement risque de traîner les Energies renouvelables comme un boulet inutile.

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Pourtant, le tandem Environnement-Energies renouvelables pourrait ne pas être né d’une lubie. Dans le nouveau schéma, la motivation économique (épargner des quantités de gaz qui seraient destinées à l’exportation) est toujours présente mais devient secondaire par rapport aux considérations écologiques, qui la renforcent en lui ajoutant une dimension mondiale (le fameux « penser globalement, agir localement ») avantageuse pour trouver les financements externes. En décembre 2009, à la COP15 de Copenhague (15e conférence des Nations unies sur les changements climatiques), les pays développés ont promis 100 milliards de dollars par an dès 2020 aux pays en développement pour les aider à faire face à la lutte contre le changement climatique.

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L’Algérie a fait part de son intention de solliciter ces ressources pour son plan de lutte contre les changements climatiques. La projection internationale du programme algérien de développement des énergies renouvelables apparaît dans « la contribution prévue et déterminée au niveau national » (Intended Nationally Determined Contribution, INDC) de l’Algérie à la COP21 (Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015), remise au secrétariat de la Convention, début septembre 2015. Ce document, élaboré par le Comité national climat, sous l’égide du ministère chargé de l’Environnement, a affiché « les ambitions de l’Algérie pour la période 2020-2030, en termes d’adaptation face aux changements climatiques et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et les actions sous-jacentes, notamment en matière d’efficacité énergétique, de promotion de l’utilisation des énergies renouvelables dans le mix énergétique ».

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Les énergies renouvelables sont inscrites, ici, dans la riposte environnementale globale au phénomène des changements climatiques et pas du tout dans une préoccupation économique portée par le discours officiel qui concerne les recettes extérieures financières que procurent la vente sur le marché international du gaz (incidemment épargné par le recours aux sources renouvelables de production d’électricité). Il est utile de rappeler que la loi n° 04-09 du 14 août 2004 relative à la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable (la première en Algérie dans ce domaine) est sortie des bureaux du ministère chargé de l’Environnement et non pas du ministère de l’Energie. Son exposé des motifs commence par des objectifs écologiques : protéger l’environnement, en favorisant le recours à des sources d’énergie non polluantes, et contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique en limitant les émissions de gaz à effet de serre ; vient ensuite le souci pour les réserves en hydrocarbures : participer à un développement durable par la préservation et la conservation des énergies fossiles ; enfin : contribuer à la politique nationale d’aménagement du territoire par la valorisation des gisements d’énergies renouvelables, en généralisant leurs utilisations. La ministre Fatma-Zohra Zerouati se trouve devant un défi, inédit en Algérie : mener simultanément les deux batailles du développement durable sur les fronts de l’Environnement et de l’Energie.

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Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Algérie) du 6 juin 2017.

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