Faut-il avoir peur du projet de loi sur le renseignement ?

La lutte contre le terrorisme nécessite des moyens importants, mais jusqu’à quelle limite ? C’est l’interrogation que porte le projet de loi sur le renseignement qui doit être prochainement débattu par l’Assemblée Nationale.

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par Antinëa

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Affiche de la série TV anglaise « Le Prisonnier »

Depuis que les mesures contenues par ce projet de loi sont connues, les critiques sont nombreuses ; même la très sage CNIL y est allée de son communiqué alarmiste. Il faut dire que l’enveloppe du projet contient des directives qui ne feraient pas rougir le Patriot Act des Etats-Unis d’Amérique.

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La vaste liberté d’action offerte aux services de renseignements sans véritable contrepartie, et l’absence de statut particulier pour les professions spécifiques comme le journalisme, posent un sérieux problème dans la société démocratique française. Mais ce n’est pas le seul. Tout ce dispositif est dans les mains de l’exécutif, évitant ainsi le contrôle par le juge judiciaire.

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Si ce projet est adopté en l’état, les services de renseignement auront la possibilité d’enregistrer chez tous les citoyens, toutes les communications et données, dans une très large zone, avec d’importants moyens techniques (micros, surveillance, géolocalisation, etc). Ceci concernera chacun, du plus honnête citoyen à l’individu le plus suspect.

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Et les journalistes dans tout ça ? Comme d’autres professionnels exerçant dans des métiers sensibles (avocats, médecins), ils ne seront ni exemptés de surveillance ni protégés contre les intrusions dans le cadre de leur métier. Captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou image d’une personne se trouvant dans un lieu privé; captation, transmission et enregistrement de données informatiques ; localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet… concerneront tous les citoyens, qu’ils soient journalistes ou lanceurs d’alerte !

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On peut également s’interroger sur le devenir de la masse de données ainsi accumulées sur les millions de citoyens potentiellement épiés et ciblés. Les informations collectées constitueront des fichiers. Mais ici aussi, la CNIL s’interroge, puisqu’il ne sera absolument pas possible à la Commission de contrôler leur régularité du point de vue de la loi Informatique et Libertés. Or sans contrôle, comment s’assurer de la légitimité des fichiers reposant sur le respect des droits et libertés des citoyens ? Cette question est d’autant plus brûlante, que paradoxalement, l’ensemble des mesures est placée dans les mains de l’exécutif sans le contrôle d’un juge. Or c’est ce dernier qui est chargé de protéger constitutionnellement les libertés individuelles, libertés sensiblement menacées par ce projet.

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Bref, pour le souhait légitime d’attraper quelques centaines de terroristes potentiels ou d’individus malveillants, il semblerait que l’on se dirige vers des mesures de restriction des libertés publiques qui pourraient être lourdes de conséquences dans les années à venir. Il est utile en conclusion de rappeler cette citation de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

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Pour en savoir plus : http://sous-surveillance.fr

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