Alerte au poisson lièvre sur les côtes algériennes

L’alerte lancée par le ministère algérien de la Pêche sur la présence du poisson lièvre en Méditerranée et sur le risque mortel lié à sa consommation, a permis en même temps d’attirer l’attention sur les espèces invasives, c’est-à-dire celles qui ne sont pas nées en Méditerranée et qui viennent d’ailleurs s’y installer pour longtemps, voire définitivement, souvent au détriment des espèces « locales ».

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par M’hamed Rebah

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La Méditerranée donne l’impression d’une mer fermée ; elle est quasi-fermée, corrige-t-on souvent, car, en fait, elle est ouverte à l’Atlantique par le détroit de Gibraltar et à la mer Noire par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, issues naturelles, et, depuis 1869, à la mer Rouge par le Canal de Suez, voie artificielle.

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Les spécialistes estiment que la Méditerranée est la mer la plus envahie du monde. Depuis le percement du canal de Suez, près d’un millier d’espèces exotiques, faune et flore, dont près de 130 espèces de poissons, sont entrées en Méditerranée à partir de la Mer Rouge, et même l’océan Indien, directement ou par le biais du transport maritime (dans les eaux de ballast ou sur les coques des bateaux). Les scientifiques ont donné un nom à ces espèces : lessepsiennes du nom de Ferdinand de Lesseps, ingénieur français, qui fit creuser le canal. Grâce à lui, les espèces de l’Océan indien n’ont plus à faire le tour de l’Afrique après avoir franchi le cap de Bonne Espérance pour passer en Méditerranée par le détroit de Gibraltar.

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Le poisson lièvre n’a pas fait tout ce chemin pour arriver sur nos côtes. Les responsables du secteur de la pêche ont insisté sur la toxicité de ce poisson à la consommation. Il renferme une substance toxique (la tétrodone) qui entraîne la mort en cas d’ingestion. Pour rassurer, ils signalent que ce poisson ne présente pas de danger en cas de contact direct avec l’être humain ni aucun élément de contamination pour les espèces pêchées avec lui. Mais, toutefois, ils appellent à la prudence en recommandant une désinfection. Les pêcheurs algériens semblent partagés sur l’ampleur du danger, certains ignorent jusqu’à l’existence de ce poisson, d’autres disent l’avoir ramené dans leurs filets, mais très rarement. Même si rien n’indique que cette espèce s’est multipliée et s’est établie près de nos côtes, les responsables ne prennent pas le risque à la légère. Ils se sont adressés au public concerné directement d’abord à travers les radios régionales puis les médias nationaux pour mettre en garde les citoyens et notamment des professionnels de la mer pour ne pas pêcher, commercialiser ni, encore moins, consommer ce poisson toxique.
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La question qui se pose maintenant est de savoir s’il est possible d’empêcher la propagation de cette espèce et d’éviter les problèmes posés par son impact dévastateur sur tous les plans et en premier lieu sur le consommateur. Si elle arrive à s’établir, la mission devient presque impossible, avertissait, il y a quelques années, Stefan Kalogirou, un spécialiste du département d’écologie marine à l’Université de Göteborg, en Suède, qui a étudié la structure et le fonctionnement des communautés de poissons dans les prairies sous-marines et sur les fonds sableux côtiers de l’île de Rhodes, dans le sud-est de la Grèce.

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Il est certain que les consommateurs observeront avec la plus grande minutie le contenu du casier avant d’acheter des poissons en vrac.

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Cet article est paru dans Reporters (quotidien algérien).

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