Au Jardin du Ruisseau : un petit coin de paradis en plein Paris

Rue du Ruisseau, dans le 18e. A deux pas des puces de Clignancourt, sous le pont où haletaient naguère de petits trains à vapeur, vous descendez un escalier de fer. Vous plongez alors dans l’oasis parfumée des « Jardins du Ruisseau ». Au bord de l’ancienne voie ferrée de Petite Ceinture, la consoude buissonne, la rose embaume, la tomate fleurit, la fraise rougeoie, le chèvrefeuille et la rose trémière s’élancent vers le ciel…

par Maurice Soutif

Voilà une douzaine d’années, une décharge sauvage s’étalait sur ces quais de la gare d’Ornano, désertés par la SNCF. C’était aussi, dans ce quartier interlope, « un espace pas toujours bien fréquenté », rappelle Cyril, un des co-présidents, qui recevait les JNE le 12 juin 2012, en lever de rideau de leur AG. Par bonheur, vers l’an 2000, quelques riverains associés se sont mis en tête de nettoyer le site, puis de l’aménager en jardin avec l’accord de RFF (Réseau Ferré de France) et l’aide financière de la Mairie de Paris.

Ces Dames du Ruisseau – Photo Maurice Soutif

 

Bien vite, les Amis des Jardins du Ruisseau ont proliféré, attirant les écoliers, collégiens et leurs enseignants curieux de nature, mais aussi jeunes et vieux en quête d’un espace bucolique pour jardiner ou se rencontrer. Aujourd’hui, sur 500 mètres de longueur, quelques dizaines de jardiniers amateurs groupés en petits « collectifs » cultivent les anciens quais selon la charte de « La Main Verte », signée avec la mairie de Paris. Pas question, par exemple, de traiter les pucerons aux insecticides, ni de privatiser entre voisins une parcelle !

Cultures « Système D » en bouteilles au Jardin du Ruisseau (Paris 18e) – photo Maurice Soutif

« La porte ouverte », telle est en effet la règle d’or. Par souci de sécurité, bien sûr, on n’entre au jardin qu’en présence d’un adhérent doté de sa clef. Ainsi, souligne le président, on récolte à la fois de bons légumes et du lien social. C’est d’abord la rencontre des cultures et générations. Des jeunes filles en fleurs à la peau brune papotent à l’ombre d’une tonnelle sans crainte d’être harcelées. Car les mamies qui tricotent ne sont jamais loin. Elles ont appris, dit-on, à tolérer les frasques de la jeunesse.

A la belle saison, les Amis du Jardin accueillent en outre une kyrielle d’artistes : peintres et sculpteurs, musiciens et danseurs… Ainsi, les 30 juin et 1er juillet, « on pourra danser sous le pont la valse, le tango, la rumba, la salsa ! » Et le 23 septembre, fête des Jardins de Paris, on vendra au public l’excellent miel du rucher du Ruisseau, tout en célébrant l’Agriculture Urbaine, nouvelle frontière des écolos citadins. Cette oasis sert aussi de sas, de refuge vert aux associations d’insertion et autres « blessés de la vie », à la sortie de soins psychiatriques.

Entre les parcelles, chacune portant un nom, les JNE flânent de surprise en découverte. Dans un bac noir, une légion de lombrics zélés recycle en deux mois les épluchures et autres déchets verts en compost bio : le sol idéal ! A côté, un bassin aquatique, où l’on espère accueillir des libellules. Près des « Jardins de la Lune », attribués à une école, des assistés d’un Centre Social cultivent des fleurs dans de vieilles chaussures dignes de Charlie Chaplin. Plus loin, les « Renards Argentés », club d’aînés grisonnants, font pousser haricots et dahlias.

 

Trois lycéens au Jardin du Ruisseau (Paris 18e) – photo Maurice Soutif

A l’autre bout du jardin, quintessence du cycle, l’armée des abeilles virevolte et se gorge de nectar entre fleurs et ruchers (financés par Nature et Découvertes). Pionnier parisien des « Jardins Partagés », celui du Ruisseau a si bien réussi qu’il en a inspiré d’autres jusqu’en Amérique, en Corée, en Australie… On se prend à rêver d’une Petite Ceinture qui refleurirait sur 23 kilomètres autour de Paris, tout en laissant passer des petits trains, des papillons, des hérissons et… des renards !
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En 2012, résume Cyril, on comptait 85 « jardins partagés » dans la capitale, tous gérés par des associations ayant signé la charte « Main Verte ». On en trouve sur les toits et parties communes d’immeubles collectifs, sur des morceaux de square, des friches industrielles… Certaines parcelles ne dépassent pas un mètre carré ! Mais, comme dit Marie Caudron, jardinière associative au flanc de la Butte Montmartre, « c’est déjà bien plaisant de grattouiller un bout de terre dans Paris !»