Vive la justice environnementale !

Amiante et Monsanto, deux jugements historiques.

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par Olivier Nouaillas

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Olivier Nouaillas

Il y a comme cela des journées d’apparences banales mais qui deviennent historiques : le lundi 13 février 2012 en fera certainement partie. Coup sur coup, deux tribunaux, celui de Lyon, et celui de Turin ont prononcés deux jugements qui feront date dans l’histoire du droit de l’environnement. Deux victoires particulièrement réjouissantes d’hommes et des femmes courageux qui n’ont pas hésité à affronter de puissantes multinationales. Ou l’éternel histoire du pot de terre contre le pot de fer.

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D’abord à Lyon, le tribunal a reconnu la responsabilité de la multinationale Monsanto dans la maladie de Paul François, un céréalier charentais, intoxiqué par l’utilisation de Lasso, un puissant herbicide qu’elle commercialisait. Cet homme déterminé avait fait la couverture de La Vie en 2010 lorsque déjà il avait réussi à faire reconnaître sa maladie comme une maladie professionnelle. A l’époque, il m’avait longuement reçu dans sa ferme à Bernac en Charente et j’avais été impressionné par sa tranquille détermination, notamment par rapport à l’omerta du milieu agricole sur cette question. Puis, je l’avais revu à Paris, il y a quelques mois, alors qu’il préparait, avec ses avocats, son procès contre Monsanto. Toujours aussi calme mais fatigué par l’évolution de sa maladie. Aujourd’hui, le jugement du tribunal de grande instance de Lyon ouvre la voie à des dommages et intérêts. Une première en France et qui pourrait faire jurisprudence pour d’autres agriculteurs ou riverains, victimes d’autres produits phyto-sanitaires et regroupés dans son association « Phyto-victimes ». Dans un pays, qui, rappelons-le, est le troisième utilisateur mondial de pesticides !

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Ensuite à Turin, où le tribunal a condamné à seize ans de prison, l’ex-propriétaire du groupe suisse Eternit de 1972 à 1986, Stéphan Schmidheiny, et le baron belge Jean-Louis de Cartier de Marchienne, ex-administrateur d’Eternit Italie. Jugés par contumace, ils ont été reconnus responsables de la mort de près de 3.000 personnes : des ouvriers ou des habitants des villes italiennes où Eternit avait des usines. Les deux hommes ont aussi été condamnés à verser plusieurs dizaines de millions d’euros aux diverses parties civiles. Là aussi, la victoire de l’obstination de simples habitants dans une procédure qui a duré des années.

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Même si dans les deux cas, il existe encore une possibilité de faire appel, l’onde de choc de ces deux jugements pourrait allait très loin. Car Monsanto, la multinationale américaine est déjà dans le collimateur de nombreuses organisations environnementales non seulement pour ses produits phyto-sanitaires mais aussi pour son insistance à propager la culture d’ OGM à travers le monde. Nul doute que ce jugement ne va pas améliorer son image. Avec aussi la personnalité de Stephan Schmidheiny, le principal condamné du dossier Eternit qui pourrait devenir très encombrante pour le prochain Sommet de la Terre.

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En effet, comme l’ont révélé plusieurs organes d’information (le n°15 de la revue XXI, le site d’investigation de Fabrice Nicolino (JNE) «Planète sans visa » et Libération) Stéphan Schmidheiny, un milliardaire suisse âgé de 65 ans (il vit aujourd’hui au Costa Rica et fait partie des 400 plus grandes fortunes de la planète) a effectué une stupéfiante reconversion et qui pose de nombreuses questions. En effet, il fut l’un des principaux organisateurs du … Sommet de la Terre à Rio en 1992 ! Il est même devenu, par la suite, le fondateur du Conseil mondial des entreprises pour le développement du développement durable (World Business Council for Sustainable Developpement, WBCSD) qui se targue de regrouper le gotha du « business vert », mais dont la liste des 200 entreprises laisse parfois rêveur (Areva, Dassault, Bayer, Boeing, BP , Shell, etc…). Et même s’il n’en est plus le directeur, Stephan Schmidheiny – qui se présente lui-même sur son site internet comme un « philanthrope (…) qui tente de créer de la prospérité économique et sociale, tout en protégeant l’environnement » (sic) – il en est toujours son « président honoraire  » (honorary chairman).

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Question : à la veille du prochain sommet de la Terre, en juin 2012, le WBCSD peut-il continuer à avoir pour « président honoraire », celui qui a été reconnu en partie responsable du décès de 3.000 personnes en Italie ?

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Cet article est paru sur le blog Planète Verte (La Vie) d’Olivier Nouaillas.

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