Le 36e Congrès de France Nature Environnement (FNE) à Montreuil

En cette année électorale, FNE a fait le choix, pour son 36e congrès, d’inviter tous les candidats à l’élection présidentielle, afin de répondre à « l’appel des 3.000 » associations de protection de la nature fédérées.

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par Roger Cans

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En 2007, Nicolas Hulot avait contraint les candidats à signer un « pacte », qui avait débouché sur le Grenelle de l’environnement. FNE, qui a été un acteur majeur du Grenelle, a donc décidé de renouveler un geste qui fait pression sur les candidats à la magistrature suprême. Une pression qui a décidé les candidats à se présenter effectivement le 28 janvier 2011 à Montreuil devant les militants de FNE.

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Il revenait bien sûr à Dominique Voynet, maire de Montreuil et ancienne ministre Verte de l’environnement, d’ouvrir cette journée de congrès organisé dans sa ville. En pleine forme et visiblement réjouie par l’affluence, elle a été très applaudie, comme il se doit. L’ont été également trois personnalités qui siègent sur les mêmes bancs au Conseil économique, social et environnemental (CESE), à savoir Bruno Genty, Jean Jouzel et Allain Bougrain-Dubourg.

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Bruno Genty, président de FNE, s’est félicité du succès de ce 36e congrès, auquel tous les politiques ont répondu « présent », ce qui est une belle performance à un moment où le président de la République estime que « l’environnement, ça commence à bien faire ».

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Jean Jouzel, membre éminent du GIEC, a souligné combien le réchauffement climatique était déterminant en matière d’action publique. Pour ce scientifique, fin connaisseur de l’Antarctique, la priorité doit être donnée à la lutte contre l’effet de serre et donc à la réduction du CO2.

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Notre ami Allain Bougrain-Dubourg (JNE), volontairement provocateur, a souligné que le combat pour les grenouilles ou l’outarde canepetière revenait finalement à un combat pour l’homme, puisque la sauvegarde de la biodiversité est indispensable à la survie de l’humanité.

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Thierry Salomon, président de Négawatt, a expliqué pourquoi il fallait « sortir du fossile » et « décarboniser le secteur énergétique ». Il a mis en garde contre une attitude erronée qui consiste à se focaliser sur l’électricité, qui n’absorbe que 20 % de la ressource fossile. Il ne suffit pas de se battre contre le nucléaire ou pour les éoliennes, car la consommation d’énergie est déterminée par les transports et l’habitat.

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Lucien Chabason, ancien du ministère de l’Environnement de Brice Lalonde et aujourd’hui conseiller à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), a quant à lui mis en garde contre l’idée que tout est dirigé par l’économie. Il a pris l’exemple du littoral, qui a évolué de manière complètement différente en France et en Espagne. En France, le Conservatoire du littoral, créé par l’Etat en 1975, puis la loi littoral, votée par le Parlement, ont permis de limiter le mitage de nos côtes et obligé les promoteurs à s’y conformer. En Espagne, faute d’une intervention des pouvoirs publics, les promoteurs ont bétonné le littoral ad nauseam, détruisant le linéaire côtier et provoquant une « bulle » immobilière désastreuse.

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Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, a rappelé que la crise économique avait frappé la France en 2008 avant l’effondrement de la banque Lehman Brothers. Et la reprise de 2010 constatée dans le monde n’a pas eu d’effet en France, car l’euro fort tue l’industrie européenne. Seul avantage : il permet d’acheter le pétrole à bon prix. Le retard économique peut se rattraper, comme l’a fait la France après 1945, mais ce sera très dur.

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Jean-Paul Delevoye, président du CESE, a constaté que le dialogue environnemental est rassembleur, comme le prouve la foule réunie au congrès, et non point clivant, comme la plupart des problèmes politiques.

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Ont suivi deux tables rondes bien fournies, où ont participé Philippe Colin (Confédération paysanne), Patrick Pierron (CFDT), Alain Capmas (MEDEF), Christiane Lambert (FNSEA), Sébastien Genest (FNE), Jean-Pierre Sotura (CGT), Hélène Valade (président du collège des directeurs de développement durable), Pascale Rossler (vice-président de la région Centre), Blaise Desbordes (directeur du développement durable à la Caisse des dépôts et des consignations) et Michel Dubromel (vice-président de FNE). Etonnant climat consensuel, comme l’annonçait Jean-Paul Delevoye, avec le représentant de la CGT assis à côté du représentant du MEDEF, et disant tous leur amour de l’environnement !

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La ministre de l’Ecologie, NKM, est venue à l’heure du repas bio. Après un tour des stands du « village », étouffée par les photographes, elle a répondu aux questions des présidents d’associations. L’eau agricole, les gaz de schistes, les algues vertes, l’étalement urbain, le parc national des Calanques, le grand hamster, la LGV Poitiers/Limoges : elle a réponse à tout. Pour les gaz de schiste, elle précise qu’il ne faut pas confondre les permis de forage traditionnels, qui ont toujours été autorisés (Aquitaine, Ile-de-France) et la fracturation hydraulique, interdite.

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Le parc national des Calanques, périurbain car il jouxte Marseille, avec des usagers multiples et anciens, ne peut être traité comme le parc des Ecrins, en haute montagne. Ou bien l’on accepte un régime spécial, ou bien il n’y a pas de parc. Comme pour les bouilleurs de cru, qui ne peuvent transmettre leurs droits, on peut trouver des formules de transition pour les usagers des calanques.

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Quant aux LGV, que ce soit Paris/Orléans/Clermont-Ferrand ou Poitiers/Limoges, la balle est dans le camp des collectivités concernées. Si les régions en veulent et paient, les lignes se feront avec l’aide de l’Etat. Si elles n’en veulent pas, elles ne se feront pas.

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A la reprise de l’après-midi, la table ronde réunit trois anciens ministres de l’environnement, Jean-Louis Borloo (PR), Serge Lepeltier (UMP) et Dominique Voynet (Les Verts). « Cette journée est très importante », martèle Jean-Louis Borloo, soucieux de conforter son public. Et il souligne que la préoccupation de l’environnement n’est pas « un coût », mais « un investissement pour l’avenir ». Dominique Voynet constate que la tribune, qui donne l’image d’un « club des anciens ministres de l’environnement qui en ont bavé », illustre en fait l’émergence de la préoccupation environnementale dans le champ politique.

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Bruno Genty présente alors l’appel des 3.000. « Le XXe siècle a vu naître le dialogue social, dit-il, le XXIe siècle sera celui du dialogue environnemental ». Et il justifie l’appel par cette constatation : « Nous ne pouvons pas avoir raison tout seuls ». Il rappelle que, de mai à décembre 2007, le Grenelle de l’environnement a fait se rencontrer tous les acteurs. Il faut que ce dialogue devienne permanent. Pour lui, trois chantiers se présentent pour l’action de FNE, à savoir l’agriculture, la biodiversité et l’énergie.

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Arrive alors l’heure de la ronde des candidats, qui se succèdent à la tribune en évitant soigneusement de se rencontrer. François Bayrou parle des abeilles, car il a des ruches (il n’aime donc pas l’ours ! ndlr). Il a vu l’hydrolienne immergée à Brest et souligne que l’énergie nucléaire doit être considérée comme une énergie de transition vers les renouvelables.

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Eva Joly félicite les militants entassés dans la salle : « Vous avez été des héros ordinaires ». Elle endosse les combats pour le grand hamster, contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes et contre l’agrandissement de la piste d’atterrissage de Mayotte… Elle rappelle qu’elle a toujours été contre le nucléaire et reconnaît que « l’exercice du Grenelle de l’environnement a été une avancée de la démocratie ». Elle plaide pour un « plan de sortie des pesticides » et pour une « trame verte et bleue opposable » aux projets d’équipement. Elle quitte la tribune sous des tonnerres d’applaudissement, en faisant le V de la victoire avec ses doigts.

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Corinne Lepage rappelle toutes les actions qu’elle a menées en faveur de l’environnement, comme si elle était la pionnière unique du combat écologique… Elle plaide pour «l’expertise contradictoire », l’instauration d’un « délit de rétention d’information d’intérêt général », la création d’un « tribunal international de l’environnement » pour des affaires comme Bhopal, et la nomination d’un « contrôleur du développement soutenable » dans chaque ministère.

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Jean-Luc Mélenchon, très sérieux, reconnaît que la gauche a longtemps été productiviste. Aujourd’hui, elle sait que l’écosystème est unique et recherche donc une rupture avec le productivisme et le capitalisme. « Le capitalisme vert n’existe pas », souligne le leader du Front de gauche, qui plaide pour « la conditionnalité écologique de l’aide publique » et un référendum sur le nucléaire. Une suggestion reprise par Hervé Morin (Nouveau centre) et par Dominique de Villepin, qui propose un bonus/malus généralisé pour une fiscalité écologique.

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François Hollande, lui, ne veut pas d’un référendum sur le nucléaire. Il propose un débat, « des mois s’il le faut », qui débouche sur un vote au Parlement. Lui aussi reconnaît que le Grenelle I est un acquis mais déplore la faiblesse du Grenelle II. Il promet une « conférence environnementale » dès son élection, et la fermeture de Fessenheim. L’objectif est de ramener le nucléaire à 50 % de l’électricité en 2025. Il propose de mettre aux normes 600.000 logements anciens et 400.000 logements neufs. Il lance l’idée d’une tarification progressive, qui fasse payer plus cher à l’unité ceux qui consomment le plus.

 

Sur ce Congrès de FNE, lisez aussi l’édito de Laurent Samuel et l’article de Michel Sourrouille.

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