Parc National des Calanques : le Club Alpin Marseille Provence s’exprime

Le site des JNE n’a pas pour vocation de publier les communiqués des associations. Nous avons cependant choisi de reprendre cette prise de position du Club Alpin Français Marseille Provence au sujet du Parc National des Calanques, qui a été le thème du Congrès des JNE à Cassis en mai dernier. Bernard Hamel, l’auteur de ce texte, était l’un des participants du débat organisé par les JNE.

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par Bernard Hamel

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Le 27 juin 2011, l’AG du GIP a voté la version V3 de la future charte du Parc National des Calanques et une nouvelle prorogation de 3 mois du GIP pour lui permettre de finaliser le travail. Voilà maintenant 12 ans que le GIP a eu pour mission de définir le meilleur statut pour protéger le massif des Calanques. Il est apparu que la formule du parc national était la plus appropriée pour assurer cette fonction. Depuis le décret de prise en considération d’avril 2009 un intense travail de concertation s’est mis en place. Tout le monde a pu s’exprimer. Certes entre ceux qui ne comprennent pas (ou qui ne veulent pas comprendre) qu’il faut protéger et ceux qui veulent tout protéger quitte à en exclure toute activité humaine…le chemin était étroit ! Si on rajoute à cela, le travail de désinformation organisé systématiquement en lançant des rumeurs du type : « dans le parc national on ne pourra plus ni randonner, ni grimper, ni pêcher, ni naviguer, ni mouiller…bref ni faire ceci ou cela alors que nous le faisions depuis toujours ! », le chemin devenait « miné ». Il est évidemment beaucoup plus facile d’avancer de telles affirmations que de se poser des questions sur ses propres pratiques et faire des propositions qui permettent de concilier les activités humaines et la protection de ces espaces menacés. Pour complexifier le tout, les jeux politiques se sont insérés dans cette mécanique et n’ont pas contribué à faciliter le débat : rivalités personnelles, défense de « ses » territoires, pression électorale, lobbying, élections en vue…

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Bref la version v3 représente un travail abouti et il ne faut pas laisser passer cette chance certainement unique pour la région marseillaise : il faut que le parc national se fasse en 2011 !

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La charte dans sa version actuelle v3 :

- a pour objectif de garder l’accessibilité à l’homme lorsque les activités exercées respectent le caractère des lieux : pas de place pour ceux qui dégradent fortement et font du bruit.

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- recherche l’équilibre entre le développement des activités de pleine nature et la protection de l’environnement par un partenariat avec le tissu associatif plutôt que par les interdictions systématiques : d’où l’importance de la présence des associations représentatives des activités de pleine nature dans le conseil d’administration du PNC.

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- rappelle le rôle déterminant du tissu associatif dans la protection de ces sites naturels menacés : on sait que ce ne sont pas les politiques qui se sont beaucoup souciés jusqu’à présent de la protection de l’environnement, mais que les projets les plus délirants ont été arrêtés par une mobilisation des associations

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- reconnaît l’existence des pratiques sportives douces dans l’existence symbolique du territoire : randonnée, escalade, kayak, plaisance, voile… Tout cela est écrit noir sur blanc. Que demander de plus pour tordre le cou à ces fameuses rumeurs qui continuent encore de courir ?

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Voyons concrètement ce que dit la v3 pour nous pratiquants grimpeurs ou randonneurs :

La liberté de pratiquer nos activités : nous sommes passés de « il est interdit de pratiquer, sauf là où c’est autorisé » à « il est possible de pratiquer, sauf là où c’est interdit ». Ce qui n’est pas la même chose à partir du moment où, bien évidemment, des raisons concrètes et objectives justifient ces interdictions qui peuvent être limitées dans le temps et l’espace. Ce qui veut dire que l’escalade en terrain d’aventure peut être pratiquée dans le cœur du parc. De même comme dans tous les parcs nationaux, il est possible mais il est déconseillé de sortir des sentiers balisés. On fait appel à l’esprit de responsabilité de chacun mais ne rêvons pas : là où il y a surfréquentation la canalisation des pratiquants sera effectuée pour éviter les dégâts irréversibles comme nous avons déjà pu le voir sur les accès aux calanques de Port Pin ou de Sugiton.

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Les réserves intégrales : la zone proposée est celle qui avait été arrêtée en novembre 2009 après concertation entre les pratiquants et les scientifiques. L’ambiguïté qui subsistait quant au devenir de la réserve biologique dirigée de la Gardiole a été levée en supprimant ce paragraphe dans la nouvelle rédaction v3-1.

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La circulation de nuit : aujourd’hui, c’est-à-dire avant même la création du parc national, l’interdiction de circuler de nuit, s’applique déjà sur une grande partie du massif (les propriétés départementales). La future réglementation ne peut être inférieure à l’existante. La charte prévoit de définir sur certaines parties du massif des périodes sensibles pendant lesquelles la circulation est interdite du coucher du soleil au lever du soleil. Le conseil d’administration qui définira les sites et les périodes doit le faire sur la base d’éléments objectifs pour justifier ces limitations.

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Le bivouac : aujourd’hui il est interdit sur l’ensemble du site classé. Certes il n’est pas respecté à la lettre (nous sommes à Marseille) et il est surtout l’objet d’une incompréhension totale entre les pratiquants et les…autres. Dans notre esprit faire un bivouac dans les calanques consiste à partir à deux ou trois (surtout pas en groupe) pour profiter pleinement du calme et de la nature. Instants magiques propices à l’observation et à l’écoute de cette nature envoûtante dans des endroits retirés voire cachés (crainte de la maréchaussée ?). Evidemment pas de feu (le thermos est une belle invention), pas de bruit et pas de déchets laissés derrière. Pour les autres le bivouac évoque l’une installation bruyante d’un groupe plus désireux de faire la fête autour d’un bon feu et de bonnes bouteilles . Cela s’est vu plusieurs fois à Sugiton ou sur à proximité de Morgiou où la présence de la route facilite la logistique de telles pratiques. Comment faire la distinction dans des textes entre les deux comportements possibles ? Malheureusement comme bien souvent le comportement des uns devient préjudiciable pour tous. Bref on ne reviendra pas dessus et tout ce que nous pouvons espérer c’est que les règlements soient appliqués avec intelligence et discernement …les nuits pendant lesquelles la circulation n’est pas interdite !

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Quelques voix se sont élevées pour demander l’officialisation du « bivouac Azéma » avec un système de réservation comme pour les refuges ! Pour ceux qui ne le savent pas il s’agit d’un abri en tôle, bien caché, avec vue imprenable, monté par « Tonton », un défenseur acharné des calanques, dans les années 70. Les actions musclées de Tonton pour déloger les bateaux du fond de la calanque d’En Vau ou pour abattre les tentes qui poussaient comme des champignons sont encore dans nos mémoires (il y a prescription), comme les bivouacs extraordinaires dans ce lieu. Au-delà de cet aspect sentimental qui nous attache, regardons clairement les choses telles quelles sont : à partir du moment où un bivouac est « officialisé » il devient un lieu accueillant du public pour lequel il faut alors appliquer les réglementations existantes (sécurité, sanitaires…). Inimaginable, et ayant eu la chance de connaître Tonton je crois que cela l’aurait bien fait rire d’imaginer l’officialisation de son petit paradis. La seule chance de voir perdurer (encore quelques années peut-être) cet endroit magique était justement de ne surtout pas en parler…

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Bien sûr que tout le projet du parc ne nous convient pas : nous avons des craintes ou des réticences sur certains sujets : le fait que l’ensemble du site classé ne soit pas retenu dans le cœur de parc et que plus particulièrement la seule calanque de la commune de Cassis, Port-Miou, soit sortie du cœur nous choque, le fait que la police de circulation sur les routes de la commune de Marseille reste de la responsabilité de la dite commune n’est pas sans nous inquiéter (c’est la loi d’avril 2006 qui donne cette possibilité aux communes de…plus de 500000 habitants ; disons que la loi a été taillée sur mesure pour Marseille) à titre d’exemples.

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Mais il faut arrêter de tergiverser sur des aspects secondaires de ce projet pour éviter de faire le jeu des anti-parcs qui ne sont mus que par des intérêts particuliers et immédiats. Le projet actuel du PNC répond aux attentes de ceux qui ont compris la nécessité de protéger notre environnement tout en permettant la pratique des activités humaines faiblement impactantes. Comme dans les autres parcs nationaux, que nous connaissons, nous pourrons continuer à pratiquer nos sports de nature, moyennant il est vrai quelquefois un changement de certaines pratiques incompatibles avec le souci de protection. C’est là que se trouve le pari pour l’avenir…

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