En Algérie, l’été a commencé annonçant ses pics de consommation en eau et en électricité et ses risques habituels, avérés (incendies de forêts, intoxications, alimentaires et autres, noyades…). En première ligne, pour y faire face, se trouvent les entreprises publiques et les institutions nationales dont les actions, dans ce domaine, sont inspirées, principalement, par le plan national d’adaptation au changement climatique.
par M’hamed Rebah
27 000 MW pour l’été
Début juin, le Groupe Sonelgaz a fait savoir qu’il a porté ses capacités de production d’électricité à plus de 27 000 mégawatts (MW). Selon le Groupe, le pic de la demande sur l’électricité devrait atteindre, en cas de températures exceptionnelles durant l’été, 21 500 MW, contre 19 543 MW à l’été 2024. En prévision de la saison estivale, Sonelgaz a préparé un plan d’action spécial centré sur la mise en service de nouvelles structures et l’exécution de programmes de maintenance et de prévention. Des équipes techniques polyvalentes sont mobilisées en permanence afin d’assurer la continuité du service et garantir une intervention rapide en cas de perturbation de l’approvisionnement en électricité.
Une attention particulière est accordée au sud du pays qui enregistre une forte demande en été due à l’utilisation massive des climatiseurs. L’énergie solaire ne sera pas encore au rendez vous. Il faudra attendre, peut-être 2026, apprend-on, pour l’entrée en service des projets, d’une capacité de 3 200 MW, qui constituent la première tranche du programme national des énergies renouvelables. Sonelgaz se préoccupe également des feux de forêts en raison de leur impact sur ses infrastructures et ses équipements. En 2024, le Groupe a réalisé 870 tranchées coupe-feu et procédé à 346.486 opérations d’élagage.
Les feux de forêts en baisse
L’été 2025 maintiendra-t-il la tendance baissière, en incendies de forêts, amorcée en 2024, année exceptionnelle, avec moins de 3 500 hectares détruits par les feux, selon les indications de la Direction générale des forêts (DGF), contre une moyenne annuelle de 40 000 hectares au cours des dix années passées ? Mieux: en 2024, malgré des conditions climatiques défavorables caractérisées par de fortes chaleurs et des vents violents, les incendies de forêts n’ont entraîné aucune perte en vie humaine et même les habitations ont été préservées. C’était le vœu de l’ancienne directrice de la protection de la faune et de la flore, à la DGF, la regrettée Ilham Kabouya (décédée le 12 mai 2023) : ne plus connaître l’épisode catastrophique des incendies de forêts de l’été 2021 qui avaient entraîné de lourdes pertes humaines et matérielles. Les responsables de la lutte anti-incendies de forêts insistent sur la priorité donnée à la protection des personnes et des habitations.
Pour la DGF, le résultat positif obtenu en 2024 est dû, d’abord, à une préparation proactive dans le dispositif d’intervention rapide mis en place, notamment les agents forestiers, les unités de la Protection civile et l’Armée nationale populaire (ANP) ; il y a également l’efficacité des moyens utilisés dont les Canadairs, pour éteindre les feux, et les drones pour la surveillance et l’alerte précoce; le dispositif de prévention et de lutte a bénéficié des informations données par les services météo et par l’ASAL (Agence spatiale algérienne), ainsi que celles fournies par les riverains des forêts. La DGF cite, également, l’effet dissuasif produit par la loi de décembre 2023 relative aux forêts et aux richesses forestières, qui prévoit des sanctions sévères contre les auteurs d’incendies volontaires, incluant la réclusion à perpétuité et de lourdes amendes.
En 2025, le dispositif de prévention des feux de forêts a été déclenché le 1er mai, un mois avant la date de son lancement habituel, avec les mêmes mesures, notamment l’interdiction des barbecues qui figurent parmi les causes directes des incendies. Dans la wilaya d’Alger, la direction des forêts et de la ceinture verte a bénéficié d’un drone de type Aurès 700, capable de détecter en temps réel tout départ de feu ou fumée.
A ce propos, le directeur général des Forêts, Djamel Touahria, a annoncé, le 22 juin, à Skikda, que pas moins de 80 drones seront acquis dans le cadre du renforcement des moyens de prévention des feux de forêts à travers le pays. Ces 80 drones, qui s’ajoutent aux 35 appareils déjà distribués dans plusieurs wilayas, « seront utilisés pour des opérations de surveillance aérienne et de détection précoce des foyers potentiels d’incendie, notamment à proximité des pistes forestières et des zones difficiles d’accès », a précisé Djamel Touahria.
Un exercice régional de grande envergure simulant un feu de forêt dans la commune d’Ouled Attia (extrême-ouest de la wilaya de Skikda) et s’étendant jusqu’à la commune voisine d’El Milia (Jijel), a été organisé par la Direction générale de la Protection civile. Le but : tester l’efficacité des moyens mis en œuvre et réaliser la complémentarité entre tous les intervenants, avec pour objectifs de protéger les forêts et d’assurer la sécurité des citoyens et des biens publics. L’exercice a donné lieu à une intervention immédiate des moyens terrestres régionaux et des moyens aériens (drones, hélicoptères et avions bombardiers d’eau de petite et de grande taille).
L’eau, principale urgence
La problématique de l’approvisionnement en eau potable (AEP), durant l’été, fait l’objet de réunions spéciales que tiennent les cadres du secteur de l’Hydraulique, bien avant le début de la saison. Au début de ce mois, c’est le ministre, Taha Derbal, qui a réuni les cadres du ministère et les directeurs des 54 unités relevant de l’Algérienne des eaux (ADE), de la Société de l’eau et de l’assainissement d’Oran (SEOR) et de la Société de l’eau et de l’assainissement de Constantine (SEACO). Le but : garantir un service public de qualité en matière d’AEP, durant la saison estivale. Dans les conditions hydriques actuelles, il ne s’agit pas de garantir une alimentation en continu – ce que les Algériens appellent le H24 (toute la journée), mais de maintenir le format du rationnement de la distribution (AEP une partie de la journée, ou tous les deux jours ou une fréquence moindre) et son amélioration, si possible.
L’idéal est de revenir à la situation où la distribution d’eau potable était assurée en continu dans la plupart des agglomérations urbaines, notamment Alger, et sortir du rationnement instauré depuis quelques années. Pour diverses raisons, principalement le changement climatique, mais aussi celles liées à la gestion de la ressource, le volume d’eau disponible est limité par rapport à la demande. La réduction des fuites d’eau sur les réseaux et la lutte contre le gaspillage pourraient accroître les réserves sans investissement supplémentaire. A ce propos, en l’absence d’une police des eaux, visible sur le terrain, les gaspilleurs ont la voie libre. L’utilisation abusive de l’eau, sur la voie publique, pour le lavage de véhicules et de façades de commerces ou de portions de trottoirs, est un fait banal.
Des investissements publics colossaux ont été consacrés au programme national de dessalement d’eau de mer qui a permis la réalisation de cinq grandes stations d’une capacité de production de 300 000 m3/jour chacune. Cet apport permet l’AEP des régions du nord et des hauts plateaux. Après la réception et l’entrée en production pleine de toutes les stations, la quantité de l’eau dessalée destinée à l’AEP devrait atteindre 3,8 millions de m3/jour affectés aux villes côtières et aux zones urbaines situées jusqu’à 150 km du littoral.
« Le défi reste l’exploitation pérenne de ces stations de dessalement avec une maintenance irréprochable et des contrôles de qualité stricts pour sécuriser l’approvisionnement durable en eau potable », a souligné le Dr Abdelkader Gaïd, lors de la 2e journée du Congrès international de l’énergie et des procédés industriels (ICEIPE’24) organisé à Alger, par le laboratoire de valorisation et recyclage de la matière pour le développement durable (VRMDD), de l’université de Bab Ezzouar (voir Horizons du 15 avril 2024 : Dessalement d’eau de mer : Pérenniser les usines par le contrôle et la maintenance ). Il recommande « un programme rigoureux d’entretien préventif, de nettoyages périodiques, de remplacements des pièces d’usure et de contrôles approfondis ». Il s’agit « d’optimiser les rendements, de prévenir les pannes et d’étendre la durée de vie des équipements ». Il estime que « seul un suivi de qualité irréprochable permet de certifier la salubrité de l’eau distribuée à la population et d’anticiper tout risque environnemental ».
Le Dr Abdelkader Gaïd a mis en garde contre « le risque préoccupant des « blooms algaux », ces proliférations massives d’algues causant de sérieux dommages techniques aux installations ». Il a averti que « bien qu’encore peu présents sur les côtes algériennes, ces phénomènes pourraient s’amplifier avec le changement climatique ». L’impact des algues qui commencent à proliférer sur le littoral algérien, ne réside pas seulement dans le gâchis qu’il provoque sur les vacances d’été, mais aussi dans la menace pour l’industrie du dessalement d’eau de mer, en bouchant les filtres et en encrassant les membranes d’osmose inverse.
Les algues en mer

Apparu en Algérie il y a trois ans, le phénomène de la prolifération d’algues, « venues d’ailleurs », nous dit-on, et « invasives », précisent les connaisseurs, se confirme et s’étend sur la côte, en banlieue algéroise, transformant de magnifiques lieux de baignade en sites repoussants et infréquentables. D’épaisses couches d’algues, survolées par des nuées d’insectes et dégageant une odeur insupportable, recouvrent le sable et les galets des plages. La présence, dense, des algues dans l’eau du rivage rend la baignade pratiquement impossible.
La plage La Poudrière, à Bologhine, près d’Alger, est un cas typique de cette situation, aggravée par la pollution marine « classique », celle qui découle de la mauvaise idée que la mer est une poubelle et qu’on peut y jeter les déchets, comme dans une décharges d’ordures. La Poudrière accueillait les habitants de ce quartier et une masse de baigneurs venus des alentours ; maintenant, ils hésitent à y mettre les pieds ; les amateurs de pêche sous-marine, qui étaient attirés par la facilité à capturer le rouget de roche ou le poulpe, se font rares. Dans cette plage, les baigneurs en sont à espérer que, cette année, il y ait, au moins, comme l’été dernier, quelques jours de répit qui leur permettrait d’entrer dans l’eau.
Les informations qui parviennent de l’étranger sur ce phénomène ne sont pas encourageantes. Le fléau serait mondial. Il ne servirait à rien de ramasser les algues, elles reviennent le lendemain. Le danger n’est pas à négliger : des scientifiques parlent d’émanations toxiques de sulfure d’hydrogène. Aucun système n’ayant réussi à ce jour à s’attaquer à la source de ce fléau et à l’éradiquer, le défi qui est posé consiste à empêcher les algues d’arriver jusqu’au littoral.
Si l’on veut mettre à profit tous les avantages que présente la mer, il faut cesser de la traiter comme une poubelle. Or, c’est loin d’être le cas : les ordures qui viennent de la terre ferme, s’ajoutent aux déchets rejetés par les navires, tout cela en infraction avec la législation nationale et les Conventions internationales, comme Marpol. Ce spectacle choquant est visible à l’œil nu.
Cet été, 461 plages ont été ouvertes à la baignade sur tout le littoral algérien. Toutefois, les imprudents vont « là où il y a des rochers ». Les jeunes ont une préférence pour les côtes rocheuses, interdites à la baignade, mais qui les attirent par la propreté de l’eau et leur fréquentation réduite. Durant les trois premières semaines de juin 2025, 11 personnes sont mortes par noyade dans ces lieux interdits à la baignade.
La protection de l’environnement
Des campagnes de nettoyage et de propreté lancées épisodiquement, indiquent que la protection de l’environnement, principale dimension de la qualité de la vie, n’est pas négligée dans la campagne estivale qui fait bouger les autorités locales. Il n’est pas question de venir à bout, partout, de la saleté due à l’incivisme, que les agents chargés du nettoiement constate sur le terrain. Mais, si les citoyens s’y mettaient, il n’y aurait pas besoin de campagnes de propreté.
Seul point noir qui résiste à toutes les politiques « écologiques » : le bruit, dont les nuisances sont gravement sous estimées. Exemple : le montage des scènes de spectacles, sur la voie publique, au milieu d’habitations, est toujours- par négligence et mépris de la loi – excessivement bruyant, et se fait, de surcroît, de nuit, empêchant les riverains de dormir alors que les spectacles programmés le lendemain leur sont destinés. De la même façon, le démontage tout aussi bruyant se fait de nuit, en violation de la loi, comme si les organisateurs de ces spectacles étaient nantis de « pouvoirs spéciaux » qui les placent au-dessus de la loi.
Cet article est paru dans La Nouvelle République (Alger) du jeudi 26 juin 2025.
Photo du haut : la plage de La Poudrière, à Bologhine, près d’Alger, le jeudi 26 juin au matin après la prolifération d’algues © M’hamed Rebah