Sobriété énergétique : retour d’expérience des éco-lieux Oasis

Depuis une dizaine d’années, on assiste à un discret exode vers des éco-lieux ruraux et urbains. La coopérative Oasis, qui en gère certains, nous partage l’impact de ce nouveau mode de vie, sans masquer les difficultés rencontrées.

par Anne Henry-Castelbou

A la Bigotière en Bretagne, l’éco-lieu s’est installé près d’une Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) et propose des activités sociales en lien avec son territoire © coopérative Oasis

Ce sont souvent des CSP+ en majorité qui décident d’abandonner leur vie urbaine, un bon salaire, un logement confortable, mais aussi des journées plombées par des heures de transport en commun et une pollution sonore et atmosphérique, pour une vie plus sobre. Comme un effet de balancier, l’histoire semble se répéter, en écho avec les années 70 et le retour des « néoruraux » à la terre. Mais pour éviter les erreurs du passé, certains se sont organisés.

Généralement situés en milieu rural, les éco-lieux s’installent parfois en ville comme ici à Montpellier l’Oasis Mascobado © coopérative Oasis

Mode de fonctionnement

La Coopérative Oasis et ses dix salariés gèrent 1200 éco-lieux en France, chacun regroupant au maximum une trentaine de familles. Ils sont généralement situés en milieu rural et parfois en ville comme à Montpellier (Mascobado). C’est une manière d’expérimenter à chaque fois la sobriété énergétique et l’autonomie alimentaire, tout en veillant à s’ouvrir au reste du monde et à trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. « Chaque projet est différent. Nous les accompagnons en amont – financièrement et techniquement – pour les aider à trouver un lieu, une mairie qui accepte de les accueillir. Puis une fois installés, nous continuons à les suivre, notamment dans leur mode de gouvernance », explique Nora Guelton de la Coopérative, qui ne cache pas les difficultés rencontrées. « Ce n’est pas simple de croiser les mêmes personnes au travail et dans la sphère privée. Certains sont surpris du temps nécessaire, pour s’intégrer dans le village où ils sont installés. Et à la longue, ce n’est pas facile de revenir à un mode de vie plus rustique.» Les éco-lieux peuvent vivent du travail de la terre, mais aussi de la location de gîtes et autres activités sociales.

Etude d’impact

La Coopérative a mené des études auprès de 400 personnes du réseau Oasis, en partenariat avec l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) pour donner du sens à cette démarche. Si un Français émet en moyenne entre 9 et 12 tonnes d’émissions carbone par an, vivre en éco-lieu permet de réduire à 5 tonnes. « C’est grâce à la diminution de la consommation de biens, l’arrêt de la consommation de viandes et un habitat plus sobre. Pour atteindre les 2 tonnes (objectif de l’Accord de Paris), il faudrait arrêter les voyages en avion », explique Nora Guelton. La deuxième enquête a porté sur le bien-être : 94 % des habitants d’éco-lieux s’épanouissent professionnellement quand un Français sur deux ne trouve pas de sens à son travail.

Les pépinières Oasis sont des formations pour les porteurs d’éco-lieux, qui durent 6 mois. Ici à Tera, projet expérimental situé dans le Lot-et-Garonne © Lola Schlesser

Ces initiatives peuvent aussi avoir un impact positif dans les villages qui les accueillent : retour de commerces, d’écoles, d’activités sociales. « A la Bigotière en Bretagne, l’éco-lieu s’est installé près d’une Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) et propose des activités sociales en lien avec son territoire », souligne Nora Guelton.

Réseau mondial

Ces éco-lieux français s’inscrivent dans un réseau mondial, où dans certains pays comme l’Inde, les structures peuvent regrouper plus d’une centaine de familles. Et cela fait écho à des thèses comme celle défendue par Sébastien Marot, professeur d’histoire de l’architecture et de l’environnement à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Est, et à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, traducteur de textes de l’australien David Holmgren réunis dans le livre Comment s’orienter, Permaculture et descente énergétique (éd. Wildproject) : « Il s’est beaucoup intéressé au lien entre architecture, agriculture et écologie. Dans un des scénarios qu’il avance, au rythme actuel du réchauffement climatique, en cas d’une forte descente énergétique – ou baisse de la consommation énergétique – on peut s’attendre à une dispersion et un exode urbain, pour se rapprocher de l’autonomie alimentaire et des sources d’énergies vertes. »

Pour poursuivre la réflexion

La vidéo de la conférence des Jeudis de l’Ecologie « Sobriété énergétique : Comment changer de modèle ? » du 9 mars 2023 (cliquez ici)

L’Universite d’été des Oasis du 23 au 27 août 2023. La Coopérative est également membre du réseau post-urbain.org, qui organise des Etats généraux en avril 2023 à Lyon.

Photo du haut : l’éco-lieu Mascovado à Montpellier © coopérative Oasis