Plantes génétiquement modifiées : quel système d’expertise ?

L’essai de Jacques Testart, A qui profitent les OGM ?, s’organise en trois parties. La première consiste en une critique des PGM (Plantes génétiquement modifiées). « L’affaire Séralini », en deuxième partie, complète la démonstration. Le tout permet, dans une troisième partie, de déboucher sur une remise en cause du système actuel d’expertise. Voici la dernière partie de la tentative de dialogue entre l’auteur, Jacques Testart, et un membre de l’AFBV (Association française pour les biotechnologies végétales), Alain Deshayes. Les deux parties précédentes, consacrées aux Plantes génétiquement modifiées et à l’affaire Séralini, sont en ligne ici et là.

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Propos recueillis par Michel Sourrouille

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Alain Deshayes : La conclusion du deuxième chapitre (NDLR du livre de Jacques Testart) pourrait s’intituler « il faut sauver le soldat Séralini ». Elle tendrait à conforter une interrogation récurrente : et si, conscients de la faiblesse scientifique du travail publié, les responsables de cette « médiatisation exceptionnelle » n’avaient pas eu pour seul objectif de faire un coup médiatique ? Cela afin d’être en mesure de demander la « répétition de l’expérience », la mise « à plat des systèmes d’évaluation des OGM… » et une nouvelle « évaluation de la balance bénéfices/risques ».

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Jacques Testart : La prochaine période permettra à GE Séralini d’approfondir l’analyse de son travail. Déjà une nouvelle publication confirme la toxicité de composants cachés mais nécessaires à l’action des herbicides, dont le « fameux » Round up (pas plus dangereux que le sel selon un membre de l’AFBV…), ce poison dont la commercialisation justifie la plupart des PGM, puisqu’elles furent inventées dans le but de le tolérer.

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Alain Deshayes : Il n’en reste pas moins que ce dernier chapitre, intitulé « Mettre les OGM en Démocratie », pose un certain nombre de questions avec lesquelles je me sens parfaitement en phase, même si je n’en partage pas toutes les réponses. Il est tout d’abord pertinent d’affirmer qu’il serait a priori erroné de « postuler que toute innovation est potentiellement bénéfique… » et « …forcément un progrès ». Il faut reconnaître que nombre de scientifiques et d’ingénieurs manquent souvent de réflexion critique à ce propos. A partir de cette constatation, il est logique de s’interroger sur les processus de décision aboutissants à la mise en œuvre des politiques de développement technologique.

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Je partage donc les préoccupations de Jacques Testart sur la nécessité de repenser le système d’expertise, de redéfinir les notions de conflit d’intérêt, de définir un statut des lanceurs d’alerte et de mieux prendre en compte des opinions exprimées par les citoyens. Mais si toutes ces questions font globalement consensus et sont simples à formuler, aucune n’appelle de réponse univoque. Il est, par exemple, regrettable que les responsables politiques montrent si peu d’empressement à s’interroger sur la signification concrète qu’il faudrait donner à la « participation des citoyens ». Jacques Testart affirme son attachement aux « conférences de citoyens » comme outil de débat public, mais d’autres formes de participation existent qu’il faudrait mettre en débat.

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Jacques Testart : Alain Deshayes m’accorde donc une convergence de vues sur la démocratisation nécessaire de l’expertise et des innovations. Pour en savoir plus, lire mon article, Convention de citoyens (CdC) : Points importants pour la qualité et la crédibilité de la procédure.

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A lire : A qui profitent les OGM ? Jacques Testart (CNRS éditions, 2013, 76 pages, 4 euros)

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