par Mélissande Bry
Malgré de grandes attentes, le texte définitif de la COP30 est une déception : aucune mention des énergies fossiles ni de feuille de route pour en sortir, pas de nouvelle grande avancée en termes de financement climatique et surtout, aucune mesure satisfaisante pour lutter contre la déforestation qui était pourtant un des enjeux clés de cette COP, tenue aux portes de la forêt Amazonienne. Ainsi, que peut-on réellement retenir de la COP30 ? Plus d’une dizaine de jours après la fin de l’événement, il est temps d’en dresser le bilan.

Mutirão global : Unir l’humanité dans une mobilisation mondiale contre le changement climatique, c’est le nom du texte adopté le 22 novembre 2025 suite au coup de marteau d’André Correa do Lago qui a acté symboliquement la fin de la COP30. Au Brésil, le « mutirão » est une mobilisation collective et gratuite pour atteindre un but commun. À l’origine, il était employé pour décrire des travaux agricoles ou la construction de logements sociaux où chacun bénéficie du travail accompli et apporte simultanément son aide.
En réalité, ce n’était pas vraiment l’ambiance qui régnait dans l’enceinte de la COP pendant les dernières heures des négociations. Au centre des débats : la sortie des énergies fossiles et le financement climatique. Pour le premier point, une scission claire s’est tenue entre des pays fervents défenseurs du statu quo (Arabie Saoudite, Russie, Inde) et une coalition de plus de 80 pays portée par la Colombie qui souhaitait s’accorder sur une stratégie concrète de sortie du pétrole, du gaz et du charbon. Résultat des courses : le terme « énergie fossile » n’apparaît même pas dans le texte final, un réel coup dur quand on sait que la COP30 devait enfin être celle de « la mise en œuvre ». Malgré tout, la coalition créée pendant la COP30 compte poursuivre le travail de son côté avec la tenue de la première conférence internationale sur la sortie des énergies fossiles les 28 et 29 avril 2026 à Santa Marta, ville côtière du nord de la Colombie, en partenariat avec les Pays-Bas.
Autre enjeu de taille : transitionner, oui, mais à quel prix? Depuis plusieurs années, les pays du Sud demandent des aides financières aux grands pollueurs historiques du Nord pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (on parle d’atténuation), mais aussi pour s’adapter aux effets du changement climatique et compenser les pertes et dommages liés à des évènements météorologiques de plus en plus extrêmes. Les pays d’Europe et en particulier la France, championne des prêts (en 2022, 92 % des financements climatiques français sont des prêts et non des dons), ont rechigné à augmenter l’assiette de 300 milliards de dollars d’aide aux pays du Sud qui avait été définie lors de la COP29 à Bakou l’an passé. Finalement, l’accord de Belém prévoit de tripler le financement pour l’adaptation au changement climatique sans préciser quelle somme sera réellement triplée, ainsi que la mobilisation d’au moins 1300 milliards de dollars par an d’ici 2035 provenant de fonds publics et privés des pays les plus développés.
Enfin, un des sujets brûlants de cette COP : la déforestation. Au Brésil, 70 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent de l’agriculture intensive et de la déforestation, c’est pourquoi le président Lula da Silva tenait tant à ce que la COP30 se déroule à Belém, aux portes de l’Amazonie. Si ce choix a permis de donner une grande visibilité aux revendications des peuples autochtones du monde entier et à la démarcation officielle d’une dizaine de territoires indigènes brésiliens, le texte de la COP30 ne s’attaque pas du tout aux menaces qui pèsent sur les grands bassins forestiers. Seule avancée, poussée par le Brésil : le lancement du programme Forêts tropicales pour toujours (FTTT), un fonds d’investissement de 22 milliards d’euros qui vise à donner une valeur boursière à des milliers d’hectares de forêt. Loin de faire l’unanimité, cette « fausse solution » inquiète depuis plusieurs années les associations et ONG qui dénoncent la logique délétère du capitalisme vert et la marchandisation du vivant.
Beaucoup d’autres thèmes ont été débattus à la COP avec plus ou moins de succès. On peut d’abord mentionner l’engagement de plus d’une dizaine de pays, dont la France, à renforcer leur action contre la désinformation climatique. Une avancée importante au vu de la montée des discours anti-science partout dans le monde, et ce jusque dans les arènes de négociations de la COP30 où la légitimité du GIEC a été remise en question par plusieurs délégations. Autre nouveauté cette année : l’adoption d’un texte sur le genre et la transition climatique, porté corps et âme par des femmes en première ligne, qui affirment qu’il n’y aura pas de justice climatique sans égalité des sexes. Enfin, un dossier a été totalement éclipsé par la fin chaotique des négociations : l’adoption du Mécanisme d’Action de Belém pour une transition juste mondiale (BAM), un texte qui vise à institutionnaliser la protection des travailleurs et travailleuses du monde entier via des politiques publiques ambitieuses, une réelle victoire pour les syndicats.

En bref, la COP30 a surtout brillé par ses actions citoyennes spectaculaires et la mobilisation massive de la société civile autour de l’évènement. Bien que cette COP soit révélatrice de scissions profondes et d’une véritable crise du multilatéralisme, 194 Etats se sont tout de même assis autour de la table pour avancer sur les questions climatiques et trouver un accord, aussi décevant soit-il. Comme le précise le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres : « en période de fractures géopolitiques, parvenir à un consensus est plus difficile que jamais ». Aussi, la question d’une réforme des COP se pose sérieusement, notamment le renforcement de discussions régionales pour travailler à plus petite échelle et faire émerger des solutions concrètes, plus adaptées aux réalités des territoires. Pour ce qui est de la COP31 prévue pour novembre 2026, elle sera présidée par l’Australie mais aura lieu à Antalya, au sud-ouest de la Turquie. Une COP avec une double nationalité donc, une grande première.
Photo du haut : la COP30 à Belém © UN Climate Change – Kiara Worth





