On avoue avoir ignoré jusqu’à ces derniers mois que le journaliste d’investigation bien connu David Dufresne était le petit-fils de l’écrivaine et essayiste Françoise d’Eaubonne. Dans ce livre au ton très personnel mais solidement documenté, l’ancien de « Libération », co-fondateur de Mediapart et Blast, nous conduit sur les pas de cette « impossible grand-mère », qui, la toute première, forgea le concept d’éco-féminisme. De ses succès littéraires dans les années 1960 à son décès en 2005, oubliée alors tant par les écologistes et les féministes, en passant par son engagement au MLF et au FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire) au tout début des années 1970, la création de son Centre écologie féminisme et sa participation à des publications comme « la Gueule Ouverte » (où l’auteur de cette chronique avait eu la chance de la rencontrer), David Dufresne restitue le parcours exceptionnel de cette figure atypique. Pour ce faire, il se fonde à la fois sur ses souvenirs personnels (il est né en 1968), sur les livres et documents disponibles et sur des témoignages de personnes ayant connu sa grand-mère, dont ceux de Brice Lalonde et Sophie Chauveau pour son engagement écologiste. Au fil des pages, on croit comprendre que le caractère entier, pour ne pas dire difficile, de Françoise d’Eaubonne a pu nuire au succès de ses idées.
Mais le « gros morceau » de ce livre est le récit détaillé de la participation active de Françoise d’Eaubonne à un attentat commis en 1975 contre la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace, alors en construction. Un engagement qui n’a été connu que de longues années plus tard, et qui donne son titre à l’ouvrage. « Remember Fessenheim » est une phrase contenue dans le communiqué d’un commando d’extrême-gauche (People’s Revolutionary Strike Force) ayant enlevé le maire de San Francisco dans « L’Inspecteur ne renonce jamais », troisième opus de la série des films sur l’inspecteur Harry (Clint Eastwood), sorti en 1976. Cette phrase « Remember Fessenheim » suscite la perplexité de la police, jusqu’à ce que l’adjointe de l’inspecteur, plus futée que lui, ne découvre la référence à l’attentat survenu l’année précédente en Alsace.
En résumé, un livre très attachant, qui donne envie de se (re)plonger dans les livres de Françoise d’Eaubonne, découverts aujourd’hui par une nouvelle génération de féministes, en espérant que des éditeurs auront la bonne idée d’en republier quelques-uns !
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Éditions Grasset, 304 pages, 22 € – www.grasset.fr
Contact presse : Myriam Salama – msalama@grasset.fr
(Laurent Samuel)
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