Les fours à CSR, nouvelle absurdité

Combustibles Solides de Récupération : CSR. Les gens ont beau de plus en plus réemployer, recycler et trier, beaucoup de déchets restent ingérables du fait de la réglementation des incinérateurs et de la marée montante de biens supposés jetables.

par Marie-Paule Nougaret

Le plastique PVC, trop dangereux à recycler parce qu’en chauffant il émet des fumées cancérogènes, domine largement dans ces rebuts gênants, suivi de pans de meubles en aggloméré, textiles, etc. Voici ce que les fours à CSR en projet en Vendée, à Lyon ou à Montpellier seraient censés brûler (1). Mais il y a d’autres solutions… et Marseille a réussi à échapper à cette absurdité (2).

Sur Internet, les pages Wiki assurent pourtant que l’on peur recycler le PVC, poly-chloro-vinyle de son nom français, et l’incinérer sans danger. Mais à les lire attentivement, ce recyclage ne concerne que les chutes de découpe dans les usines. Les recycleurs professionnels eux, n’en veulent pas, parce qu’on n’est à jamais à l’abri d’un incendie; et dans ces cas là, s’il y a du PVC, on a un feu chimique avec obligation d’évacuer la population entre autres ennuis.

C’est que le mélange chlore et carbone que contient le PVC produit en chauffant des dioxines, dont certaines ont la sale manie de copier et bloquer les plus infimes sécrétions des seins, de l’utérus et de la prostate, ce qui les rend sensibles au cancer. Il existe aussi bien sûr des dioxines naturelles, dans les feux de forêt, mais autant ne pas en rajouter.

D’ailleurs, toujours selon Wiki, l’incinération du PVC ne pose aucun risque  si l’installation est récente; et tant pis pour les malades sous le vent d’un vieil incinérateur de déchets ménagers, quoique … primo, tous les cancers ont plusieurs causes; deuxio, pour respecter les normes, contrôlées, sur le taux de dioxines dans les fumées, ces entreprises refusent tables, chaises, fenêtres et autres gros objets, limitant ainsi le PVC qui y est brûlé.

On n’aurait pas dû en arriver là. Déjà, les années 60 déploraient les cancers des ouvriers qui nettoyaient les cuves de PVC, dans les usines au bord de l’Isère. En 1977, le manuel Ecotoxicologie traduit en 19 langues de François Ramade, met en garde contre son usage dans l’alimentation. Les années 90 bannissent les bouteilles d’eau en PVC, du moins en Europe. En 2004, l’UE élimine les additifs phtalates dans les jouets d’enfants en PVC. Un peu plus tard, c’est l’ajout de plomb au PVC que l’Union ne permet plus. Mais c’est ce plastique lui-même qu’elle aurait dû interdire dans tous ses usages, construction y compris (risque pour les pompiers). A ce propos, le Bureau Européen de l’Environnement rappelle qu’elle a le devoir d’appliquer sa propre règlementation (3).

Il existe bien sûr d’autres plastiques, mais voilà, le PVC ne coûte plus rien depuis qu’il se fabrique sans main d’œuvre dans les raffineries. Dans les années 1980 encore, les Etats pétroliers du Golfe persique ou arabique faisaient raffiner leur brut à Rotterdam et en France. D’où le nombre effarant d’immenses super-pétroliers alors sur l’océan et d’accidents de marées noires. Mais les maîtres du pétrole ont compris et ils nous ont acheté des raffineries modernes, qui se trouvent être équipées pour recouvrir la Terre d’une couche de PVC.

La première étape du raffinage donne l’éthylène. Mélangez à du chlore, gaz de laboratoire qui n’existe pas à l’état libre dans la nature et tue dans l’instant (4), vous obtenez le MVC, mono- hloro-vinyle, très explosif à l’air, qu’il suffit de polymériser pour obtenir le PVC, à extruder. C’est juste une affaire de tuyauterie. Le PVC ne coûte à peine que le transport, encore est-il très léger. Sa domination est si totale, que seulement 15 % du plastique est aujourd’hui recyclé et recyclable, tandis que les pétroliers refusent mordicus, dans les négociations mondiales, de cesser d’en synthétiser.

Le plus ennuyeux pourrait être son usage en milieu hospitalier. Plus besoin de stériliser, les seringues, poches de sang, cathéters dits jetables sont en PVC. Ainsi l’hôpital prépare-t-il les cancers qu’il lui faudra soigner.

A notre connaissance, une seule association en France s’en soucie, CD2S, ou Comité pour le Développement Durable en Santé. Certaines cliniques y adhèrent. Les citoyens, qui n’en peuvent mais, auraient cependant intérêt à oublier des idées reçues, serinées par les écolos ou les pouvoirs publics :

Il y aura toujours des incinérateurs, du moins si l’on veut avoir des hôpitaux. Ça ne sert à rien de demander leur disparition. A un moment donné, il faut brûler les pansements.

Tous les emballages ne sont pas recyclables, on l’a compris. Le pire après la barquette en PVC est le sachet double face plastique/aluminium, style paquet de chips. Mettre du métal dans la poubelle grise qui va à l’incinérateur, c’est participer à la création de particules « métallo-organiques » indestructibles qu’on aspire dans les poumons.

Les sacs en plastique en revanche sont bienvenus dans cette poubelle du tout venant  : ils permettent à l’incinérateur des économies de fuel. De même que les pots de yaourt ou les tissus synthétiques, bref tout ce qui ne contient pas de chlore ni de métal, vient du pétrole et peut le remplacer.

Les barquettes d’aliments en PVC sont celles qui portent le dessin : flèche vers la poubelle. L’Etat serait bien inspiré d’aider les PME à en changer plutôt que de subventionner les fours à CSR très chers au motif qu’ils alimentent des réseaux de chaleur urbaine. Car en réalité ceux-ci ne peuvent fonctionner qu’une partie de l’année.

A l’heure où j’écris ces lignes, il fait 33° C à l’ombre à Montpellier et l’on craint que les autorités locales ne signent un contrat pour un de ces satanés fours à plastiques. Un contrat à l’anglo-saxonne avec des pénalités coûteuses en cas de non construction. En France, pays de droit écrit, où la loi est la même pour tous et le contrat censé lui obéir, ça ne devrait pas exister. De fait, les mœurs politiques changent, depuis quelque temps.

Mais les Marseillais alors, comment ont-ils pu s’en sortir ? Au moins deux raisons apparemment. Un, le monstre en projet se serait bâti sur le site d’une usine chimique classée Seveso à haut risque. Il avait même pour but d’améliorer son bilan carbone. Ensuite, les habitants ont si bien lutté, cherché et travaillé qu’ils ont découvert une solution de rechange. Ça s’appelle la fossilisation accélérée.

Au lieu de compresser les déchets en briquettes pour alimenter un four, on les réduit en poudre fine et les compacte avec un liant, pour fabriquer des blocs de construction comme les parpaings, ou des graviers. A froid, sans émission de dioxine. Ça devrait alléger la pression sur le béton, c’est-à-dire sur le sable, si nécessaire à la faune et surexploité. Va t-on enfin se débarrasser des affreuses chaises blanches fendues et noircies aux ultraviolets ?

(1) Méga-incinérateurs, CSR, stop aux projets fumeux, document en ligne de Zero Waste France, mars 2025.
(2) Idem.
(3) Bureau européen de l’environnement, communiqué de presse : UE has « legal duty » to ban PVC, 13 juin 2024 Désolée, le BEE ne publie pas en français.
(4) Pour plus de détails, voir Alerte au Chlore, chapitre 5 de La Cité des Plantes, éditions Actes Sud.

Photo : combustibles solides de récupération © les Horizons

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