Ça bouge pour les blaireaux

Les arrêtés préfectoraux autorisant une prolongation de la vénerie sous terre de l’espèce blaireau sont de plus en plus nombreux à être suspendus et/ou annulés. La reconnaissance par les juges de l’incompatibilité de la vénerie sous terre avec la protection légalement accordée aux petits blaireaux et de l’absence de dégâts importants en lien avec l’espèce permet d’espérer, à terme, le classement du blaireau en espèce protégée, ce pour quoi luttent les associations de protection de la nature.

par Danièle Boone

Nature 18, association largement cinquantenaire dont je suis administratrice, se bat depuis sa création pour faire évoluer le statut du blaireau. Après avoir longtemps été sur la liste des « nuisibles », il est désormais classé dans la catégorie « gibier » mais nous souhaitons à terme obtenir sa protection comme c’est le cas, depuis plus de 40 ans notamment en Grande Bretagne, Belgique, Luxembourg…

En 1994, Nature 18 avait déjà déposé un recours devant le tribunal administratif d’Orléans qui avait annulé par un jugement du 20 avril 1995 l’arrêté du préfet de l’époque autorisant une période complémentaire de déterrage des blaireaux. Malheureusement, l’État a fait appel pour faire annuler le jugement du tribunal et a gagné. Trente ans plus tard, nous avons bon espoir de voir gagner le blaireau, les victoires juridiques en faveur de cet animal se multipliant.

Une pratique barbare

Chaque année des milliers de blaireaux sont « déterrés » en France. Cette méthode de chasse appelée « Vénerie sous terre » est particulièrement barbare : les veneurs acculent les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, ils creusent afin de pouvoir les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress inimaginable, sont ensuite tués. Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage défendu par ses adeptes au nom de la tradition. Attaquer un animal dans son abri, l’acculer au fond de son terrier, le terroriser puis le mettre à mort est-il encore acceptable aujourd’hui ?

En France, la vénerie sous terre se pratique du 15 septembre au 15 janvier dans le cadre de l’arrêté chasse. Mais le préfet peut aussi décider par arrêté d’une période complémentaire du 15 mai au 15 septembre. Les chasseurs demandent systématiquement cette prolongation de 4 mois qui est systématiquement accordée sans réelles justifications. Ainsi les blaireaux sont chassés neuf mois et demi par an en France sous prétexte qu’ils occasionneraient des dégâts dans les cultures mais aussi pour le simple plaisir des chasseurs. Aucun élément chiffré n’est fourni, ni sur le nombre, ni sur le type, ni sur le montant de ces dégâts pas plus d’ailleurs sur le nombre de blaireaux dans le département. Comment peut-on dès lors décider que l’animal va être pourchassé en sus de la période de chasse autorisée ?

Une journée mondiale pour les blaireaux
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Antoine Le Gal, médiateur scientifique du Muséum d’Histoire Naturelle initie les enfants à la vie du blaireau (biologie et comportement) à travers des contes pendant la journée mondiale des blaireaux © Philippe Van Nieuwkerke

Les associations de protection de la nature contribuent largement à faire évoluer les mentalités. L’Aspas (Association Pour la Protection des Animaux Sauvages) a initié en 2022 la journée mondiale des blaireaux le 15 mai, jour du début de période complémentaire de vénerie sous terre. Cette journée est l’occasion de rassemblements pour demander l’abolition du déterrage et le classement du blaireau en espèce protégée mais aussi de faire mieux connaître l’espèce.

À Nature 18, nous avons organisé, en plus d’un rassemblement, une journée pédagogique en partenariat avec le Muséum d’histoire naturelle de Bourges. Des activités (contes, animations et conférence) se sont égrenées tout au long de la journée – voir le programme.

Lors du rassemblement devant la préfecture du Cher,  Yann Galut, le maire de Bourges, est venu nous apporter officiellement son soutien. Cet engagement d’un politique envers le vivant est bien sûr un signal fort pour notre combat.
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Le 15 mai 2024, Yann Galut, maire de Bourges, est venu soutenir l’action de Nature 18 lors du rassemblement que l’association avait organisé devant la préfecture du Cher. D.R.

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Une bataille juridique qui porte ses fruits

Le volet pédagogique va de pair avec un volet juridique. Les recours qui font évoluer la jurisprudence sont indispensables. Indre Nature, association voisine et amie, a été la première à gagner un recours au XXIe siècle : la cour d’appel administrative de Bordeaux lui a donné raison le 9 juillet 2019, après une longue procédure de trois ans, au motif de l’absence de justification de cette période complémentaire. Depuis, de plus en plus d’arrêtés préfectoraux autorisant une période complémentaire sont suspendus ou annulés. Pour ce qui nous concerne, ce 17 mai, le tribunal administratif d’Orléans a suspendu la période complémentaire de vénerie sous terre dans le département du Cher évitant le massacre des blaireautins, en tout cas, jusqu’au jugement de fond qui doit avoir lieu le 6 juin 2024. Avant cela, notre recours sur l’arrêté de 2021 doit être jugé dans quelques jours, le 23 mai.

Continuer à harceler le blaireau, espèce animale inoffensive, est cruel et inadmissible © Fabrice Cahez

Les grandes associations nationales, Aspas, One Voice, Aves, LPO,  sont très actives dans cette bataille juridique. Le référé suspension est bien sûr très important : son effet est immédiat et permet d’éviter le massacre des blaireaux. Au 15 mai, les blaireautins sont à peine sevrés et restent dépendants de leur mère et du groupe social pour leur nourriture et leur éducation. Avec le déterrage, de nombreux jeunes meurent si leurs parents sont tués or la loi interdit la destruction des jeunes. La reconnaissance par les juges de l’incompatibilité de la vénerie sous terre avec la protection légalement accordée aux petits blaireaux et l’absence de dégâts importants en lien avec l’espèce est incontestablement une avancée majeure à l’heure où les enjeux liés à la protection de la biodiversité sont essentiels pour la survie de l’humanité et où les questions de la souffrance animale préoccupent de plus en plus nos concitoyens.

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Les photos des blaireaux sont de Fabrice Cahez. Merci à lui pour son engagement pour le vivant.