Différents. Le genre vu par un primatologue, Frans de Waal

Un essai féministe avait connu un beau retentissement en France à son époque : « Du côté des petites filles » (Elena Gianini Belotti, Éditions des femmes 1974), qui révélait à quel point le genre était culturel et façonné par la société, ses traditions et ses stéréotypes, entrainant une discrimination systématiquement défavorable aux filles. Pour précision, le sexe désigne les organes génitaux que nous avons à la naissance, le genre se réfère à notre construction identitaire et notre sentiment d’appartenance. Ce qui implique quelques nuances entre les deux. Dans les débats actuels parfois sensibles sur le genre, l’ouvrage de Frans de Waal ne remet pas en cause cette prise de conscience du poids culturel dans le genre, mais replace la biologie dans la balance avec l’éclairage du primatologue, tout en voulant éviter les préjugés sexistes.

Les jeunes singes à qui l’on propose des jouets ne montrent pas les mêmes penchants : les poupées intéressent les femelles alors que les mâles les délaissent, préférant les véhicules motorisés. Or, nos cultures humaines n’ont pas de rôle dans ces choix et ne peuvent pas être impliquées. Cependant, admettre qu’il y ait « différence » n’implique pas une « supériorité » ! La force des mâles n’est pas utilisée pour dominer les femelles, elle a été sélectionnée pour des raisons de compétition sexuelle et concerne plus les rivalités intrasexuelles. Si, dans un groupe de chimpanzés, un ou des mâles peuvent dominer musculairement, cela ne leur donne pas pour autant le pouvoir, car les femelles savent se grouper pour leur résister. Chez les bonobos, ce sont les femelles qui dominent, et tout cela bouscule fortement les affirmations des premiers scientifiques sur le mythe des mâles dominants, souvent appliqué aux sociétés humaines et justifiant des préjugés sans fondement.

De Waal relate aussi l’histoire d’une guenon qui avait beaucoup de caractéristiques masculines, et raconte bien des anecdotes concrètes pour alimenter son propos général sur le genre, l’autorité, le pouvoir, et tout ce qui fait nos sociétés de primates. Comme à son habitude, Frans de Waal nous ouvre des portes passionnantes, et nous livre des pistes de réflexion toujours pertinentes sur les autres et sur nous-mêmes, sur notre évolution et nos comportements.

Une petite précision : quand Frans de Waal écrit que l’humain n’est pas un singe, il s’agit juste de la traduction de monkey, et non d’ape, car nous sommes bien des primates, mais dans la catégorie grands singes (apes).

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(Marc Giraud)
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