L’écologie en quête d’incarnation nationale par Michel Sourrouille

En réaction à la récente tribune de notre ancien président Claude-Marie Vadrot, opposé à une candidature écologiste à la présidentielle de 2022, un adhérent des JNE s’emploie à clarifier le débat.

par Michel Sourrouille

J’ai depuis 1974 voté sans interruption pour l’écologie aux présidentielles. Nous avions des candidatures de témoignage, ne dépassant jamais 5 % (sauf avec Noël Mamère en 2002). Or l’écologie politique veut devenir un parti de gouvernement, il faut dépasser ce blocage électoral. L’écologie dans ses multiples facette constitue en soi tout un programme, à la fois de comportement individuel, de gestion des territoires, de place de la France et même d’avenir pour la planète. L’usage et le mésusage des ressources naturelles de la Terre ne connaît pas de frontières. Voici à mon avis quelques caractéristiques d’une candidature de l’écologie à la présidentielle 2022.

1) Nouveau créneau électoral. L’abandon en rase campagne de Yannick Jadot était apparemment une erreur en 2017, l’écologie perdait son représentant. Mais son ralliement au PS semble a posteriori significatif d’un tournant, l’écologie devenait incontournable pour l’ensemble des partis. Aux dernières municipales, même la droite est devenue écolo. L’écologie est devenue un paramètre incontournable aux yeux des médias et de la population. Encore faut-il une personnalité qui rassemble au-delà des étiquettes partisanes habituelles, qu’elle soit de droite, de gauche… ou d’ailleurs. L’idée écologique est par définition trans-partisane, nous avons tous intérêt en tant que citoyen à préserver des conditions d’existence durables tant pour les générations présentes que futures. Un tel positionnement, l’écologie comme fondement premier du système socio-économique, fera basculer un jour ou l’autre la majorité des électeurs. La présidentielle se gagne « au centre », avec les électeurs sans étiquette stable.

2) Leadership. Dans une démocratie de masse où il faut entraîner à sa suite des millions d’électeurs, il est nécessaire d’avoir un leadership dans lequel se reconnaître. Il était significatif que trois des quatre mouvements politiques qui sont arrivés en tête à la présidentielle française de 2017 étaient animés par une personnalité charismatique autoproclamée, Macron, Le Pen et Mélenchon. Le CF (NDLR : Conseil fédéral d’EELV) devrait réfléchir dès à présent à l’incarnation que nous voulons pour l’écologie politique en 2022 en tenant compte du point précédent : la candidature écolo est par essence trans-partisane.

3) Principe de notoriété. L’électorat vote pour une personnalité plus que pour un parti, et la connaissance de cette personne découle de son accès aux médias. La victoire de Macron, un type inconnu qui a démarré sans parti et sans programme, n’a été qu’un accident de parcours, une construction médiatique résultant des multiples erreurs de François Fillon et de la déconsidération des partis actuels. Il ne faut plus chercher dans la société civile une icône de type Nicolas Hulot, il faut une dimension de plus si on veut conquérir le pouvoir au moment de la présidentielle, il faut une notoriété politique pré-existante.

4) Exigence de compétence. Dans des conditions normales, tous ceux qui deviennent président de la république ont avant l’élection un long passé de responsabilités gouvernementales et/ou un parcours de premier plan en politique. La notoriété se crée sur plusieurs années ; en 1981 Mitterrand se présentait pour la troisième fois. Il ne semble pas que le parti EELV ait en son sein une personnalité suffisante pour une présidentielle si on veut dépasser une candidature dite « de témoignage ».

5) Primaire peu fiable. EELV a toujours été erratique quant à la désignation de son représentant : sac d’embrouilles Mamère/Lipietz en 2002, refus du médiatique Nicolas Hulot en 2012, valse hésitation autour de Mélenchon en 2017. Mais même la droite regrette amèrement cette procédure d’une primaire ouverte instaurée pour elle en 2017. De toute façon les prétendants écolos jouent déjà le jeu des médias ; nous avons déjà deux présidentiables autoproclamés, Eric Piolle et Yannick Jadot. Delphine Batho est aussi sur les rangs, exigeant (2 juillet 2020) une « primaire ouverte » après constitution d’une fédération de tous les partis écologistes. Si on persiste dans ces déchirements internes, si nos ne trouvons pas une candidature externe, nous allons encore une fois au massacre électoral.

6) Unité introuvable. Jamais nous n’arriverons à bâtir d’ici 2022 une quelconque « fédération de tous les partis écologistes » ou un « archipel de l’écologie et des solidarités ». C’est tâche impossible, les variantes de l’écologisme sont innombrables, les débats sans fin, la concrétisation dans une structure impossible. D’où la nécessité d’une personnalité représentative qui va fédérer sur on nom.

7) Programme commun illusoire. Les programmes pour la période post-Covid ont envahi les tribunes des médias, mais on ne peut accéder au rassemblement sur des bases aussi hétérogènes. Historiquement il faut des conditions institutionnelles spécifiques pour y arriver, comme « l’Union de la gauche sur la base d’un programme commun de gouvernement ». L’expérience d’une présidentielle habituelle montre que le projet politique de ce type d’élection nationale, c’est celui du candidat à la présidentielle. Ce n’est pas celui de son parti d’origine ou de n’importe quelle autre instance délibérative. Peu importe au fond le programme, l’image remplace le contenu dans une démocratie de masse où il s’agit de voter pour celui ou celle qui va « représenter la France ».

8) Parti ex post plutôt qu’ex ante. La présidentielle 2017 a montré qu’on peut créer un nouveau parti avec la dynamique porté par un(e) candidat(e). Cela relativise complètement l’idée qu’il faut obligatoirement qu’un parti déjà institutionnalisé désigne un candidat. Au nom d’un rassemblement très large autour d’une personnalité dépassant le cadre restrictif de l’axe vert-rose, on pourrait voir la naissance d’un parti social-écologique digne de gouverner face à une droite anti-écolo et des populismes.

9) Législatives, confirmation de la présidentielle. A cause de l’inversion de calendrier voulue par Jospin, les législatives ne font que confirmer le choix de la présidentielle. Dans l’état de déliquescence dans lequel se trouve les partis traditionnels, il s’agira pour EELV et autres mouvances partisanes d’accompagner dès le début la candidature d’une personne ayant à la fois notoriété, compétence… et programme résolument écolo. Ainsi peut-on obtenir un groupe parlementaire de meilleure façon que par d’obscures tractations comme avec le PS en 2011.

10) Positionnellement d’EELV pour le premier tour. Dans le cadre donné par les points précédents, il n’y a plus lieu pour EELV de présenter un ou une candidat(e), mais d’être prêt à soutenir la personne ayant à la fois notoriété, compétence… et programme résolument écolo. Au niveau médiatique, cela peut donner à l’écologie politique un statut d’arbitre pour la présidentielle 2022. Attendre et voir venir, c’est souvent une bonne stratégie. D’autant plus qu’un tel positionnement nous économise les frais d’une campagne de présidentiable; si un ou une candidate issu(e) de l’écologie politique se lançait par ses propres moyens, à lui ou elle d’assumer.

11) Valorisation des législatives. Libéré des conflits sans fin en notre sein pour une candidature autonome de présidentiable (ou autour d’une alliance improbable avec un autre parti), nous pourrons consacrer tout notre temps à préparer les législatives, élection dont les paramètres fluctuent pour chaque circonscription. Soit il existera un présidentiable suffisamment écolo et nos candidats aux législatives feront force d’appoint, soit le président élu après le second tour ne le sera pas et face aux électeurs nous nous positionnerons comme parti d’opposition pour le quinquennat à venir.

Retrouvez Michel Sourrouille sur son blog Biosphère (cliquez ici).