Le plan d’action du gouvernement, adopté mercredi 12 février par l’Assemblée populaire nationale (APN), a maintenu ouverte l’option de l’exploitation du gaz de schiste en Algérie, tout en inscrivant sa concrétisation dans une perspective qui va, semble-t-il, au-delà de 2024, année qui boucle le plan lui-même. La question du gaz de schiste est «évacuée» en quelques lignes dans le plan d’action.
par M’hamed Rebah
Le petit paragraphe consacré aux hydrocarbures non conventionnels, est placé tout à la fin du chapitre sur la transition énergétique, comme s’il avait été rajouté. En une seule phrase, on apprend que « le gouvernement, tout en intensifiant les efforts d’identification du potentiel que recèle notre sous-sol, engagera les études appropriées sur l’impact de l’exploitation de cette richesse au plan économique, social et environnemental, en veillant à ce que toute exploitation envisagée préserve la santé du citoyen, les écosystèmes et, en particulier, les ressources hydriques ». Les mots sont pesés pour éviter l’ambiguïté et montrer que la question n’est pas traitée avec légèreté. Au contraire, on devine la prudence, les nouvelles qui parviennent des puits en exploitation aux Etats-Unis ne sont pas favorables au gaz de schiste.
Le sentiment de prudence est confirmé par les propos du ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, dans un entretien accordé à la radio algérienne, au moment de la présentation du plan d’action devant l’APN : « la phase actuelle est celle de la réflexion et de la mise au point d’une stratégie efficace afin de préserver l’environnement ». Ce n’est pas du tout l’étape de l’exploitation. Celle-ci requiert, a expliqué le ministre, « la maîtrise des technologies, le recours à une étude approfondie, la consultation de toutes les parties prenantes et la focalisation sur l’expertise nationale et à l’étranger en vue d’une préparation des techniques nécessaires ».
Le gouvernement veut procéder lui-même à l’’évaluation des réserves non conventionnelles et ne pas s’en tenir à ce qui se dit sur la prétendue troisième place dans le monde, occupée par l’Algérie en termes de réserves de gaz de schiste. Il y aura, annonce le ministre, « une étude approfondie et longue, qui comporte également des procédures liées à la formation des cadres et des employés, pour mieux maîtriser les nouvelles technologies appliquées dans ce domaine ». Un débat avec les représentants de la société civile et des experts en la matière devrait permettre de trouver « la meilleure façon d’utiliser les nouvelles technologies qui garantissent une protection maximale pour l’homme et l’environnement ». Autant dire que l’exploitation du gaz de schiste n’est pas à l’ordre du jour.
Pour mieux marquer la distance prise avec les hydrocarbures non conventionnels, le plan d’action met l’accent sur le développement des énergies renouvelables et sur l’efficacité énergétique. Un réajustement a été opéré sur le programme national de développement des énergies renouvelables qui avait été adopté en février 2011 et rectifié en mai 2015. L’objectif est ramené à 15 000 mégawatts (au lieu de 22 000 MW) et l’échéance éloignée à 2035 (au lieu de 2030) ; à l’horizon 2024, il y aurait 4000 MW d’énergie renouvelable, essentiellement solaire. Impacts prévus: économiser près de 240 milliards de m3 de gaz naturel; éviter l’émission de 200 millions de tonnes de CO2; développer un tissu de PME sur l’ensemble de la chaine de valeur des composants dédiés aux énergies renouvelables. Dans l’immédiat, c’est l’hybridation de la production de l’électricité de source conventionnelle au niveau du Sud du pays, par la production photovoltaïque, qui constitue pour le gouvernement une action prioritaire. L’auto-production d’électricité par les résidentiels, sera encouragée par une réglementation qui doit être rapidement mis en œuvre.
En parallèle, le gouvernement veut amorcer la coopération avec DII Desert Energy, à ne pas confondre avec Desertec qui avait été créé en 2003 et qui était fondé sur la vision de production photovoltaïque au Sahara destinée à être exportée vers l’Europe. Le DII Desert Energy dont il s’agit maintenant est, explique-t-on, un consortium allemand « centré sur l’Afrique sub-saharienne, avec deux volets : le renforcement des infrastructures réseaux et le développement de solutions autonomes, hors réseau, couplées à des stations agricoles pour augmenter les ressources ». Avec ce nouveau projet, l’électricité d’origine solaire produite au Sahara répondra aux besoins internes et sera exportée vers les pays africains.
La transition énergétique algérienne conserve une place encore importante aux hydrocarbures fossiles. Le Plan d’action du gouvernement a l’ambition de doubler la production nationale en hydrocarbures (pétrole et gaz), pour reconstituer le stock que possédait l’Algérie, consommé à hauteur de 60 % ces 20 dernières années. « Le stock national en hydrocarbures doit dépasser les 60 % pour pouvoir couvrir la demande nationale en produits pétroliers et honorer nos engagements avec les partenaires étrangers », a souligné le ministre de l’Energie qui compte sur la nouvelle loi sur les hydrocarbures pour permettre à la compagnie nationale Sonatrach de renforcer ses capacités de production et d’attirer les investisseurs étrangers.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du mercredi 19 février 2020.