Aymeric Caron : « supprimons tous les élevages ! »

Nous connaissions déjà le livre d’Aymeric Caron, Antispéciste (éditions Don Quichotte). Nous avons écouté son discours lors d’une conférence-débat devant les membres du mouvement Utopia fin septembre 2018.  Pour prolonger les réflexions engagées lors du colloque des JNE du 7 septembre sur la condition animale, en voici le contenu.

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Propos recueillis par Michel Sourrouille

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Aymeric Caron, invité du mouvement Utopia

«  L’écologie se diffuse partout, même pour Macron ! L’écologie porte en effet moralement quelque chose de juste, mais qui n’a pas encore de réels résultats en politique. Il faut en effet distinguer l’écologie molle (superficielle selon Arne Naess) et l’écologie essentielle, profonde. La première est ethnocentrée, estime que les animaux sont à notre service. Nous chiffrons tous les aspects du vivant, parlons de quotas de CO2 et l’introduction de deux ours… Tout cela exprime notre préférence pour la valeur utilitaire. Pour moi au contraire toute forme de vie a une valeur intrinsèque, nous ne sommes pas le centre de tout. Actuellement toutes les décisions dépendent de l’économie, de la circulation monétaire. La bio-démocratie serait un autre rapport au vivant, une optique éthique. La bio-démocratie se pose la question des conséquences de notre action. La notion de solidarité, nos possibilités d’empathie, rendre heureux les autres, c’est cela qui rend vraiment heureux. L’utilité de notre existence, c’est de minimiser la souffrance autour de nous. La question animale se positionne dans la même lignée. Nous devons passer du statut de tueur à celle de tuteur, sinon on s’autodétruit.

Un ministre de l’environnement ne sert à rien car l’écologie est transversale, devrait imbiber l’état d’esprit de tous les ministères. Un citoyen non informé est inefficace, or le système actuel empêche de penser. A mon avis, il faudrait instituer un permis de voter, vérifier la maîtrise du sujet sur lequel on est appelé à se prononcer. Le CESE (Comité économique, social et environnemental) devrait être remplacé par un Comité du Vivant, une assemblé naturelle constituée d’experts. Cette nouvelle chambre du Parlement représenterait les enjeux environnementaux étendus aux intérêts des animaux non humains.

Le spécisme est une discrimination liée à l’espèce. Nos distinctions actuelles posent problème. Par exemple un lapin peut être un animal de compagnie et protégé en conséquence, ou un animal sauvage sans aucun protection, un lapin d’élevage destiné à être mangé ou un animal de laboratoire subissant des expérimentations. On s’autorise des actes qu’on ne ferait pas pour des humains, par exemple égorger un cochon alors que c’est une espèce sensible. Nous avons différencié les gens selon leur sexe ou leur couleur, nous devrions tendre pour les animaux à cet universalisme auquel nous sommes parvenus pour les humains. Quid des végétaux ? Le cri de la carotte ? Les études sur la sensibilité des végétaux ne me semblant pas fiables. Il ne possèdent ni synapses, ni système cérébral central. Par contre il m’est personnellement très pénible de voir un arbre qu’on abat.

Nous avons besoin de morale, de définir les valeurs qui nous disent ce qui est bien ou mal. Le sens historique, c’est l’ouverture de notre considération morale au-delà des humains. J’aime mon chat et mes poules, on se comprend, on a le même vouloir vivre. Le curseur est simple, il n’y a pas de demi-mesure entre esclavage et non esclavage. On est pour ou on est contre. Si le lion mange la gazelle, il n’a pas le choix. Nous, nous avons le choix. L214 a lancé des actions qui n’aboutissent pas. J’ai donc créé le Rassemblement des écologistes pour le vivant (REV) car il me semble que rentrer dans le champ politique est nécessaire pour faire avancer ses idées. On pèse sur le calcul électoral en faisant perdre de voix aux autres partis, on peut alors rentrer dans un processus de négociation. Mon parti est anti-productiviste, anti-libéral. Mais nous allons plus loin, nous militons contre tous les élevages, y compris l’élevage bio de proximité. Je suis pour un modèle agricole exclusivement végétal avec fermeture de toutes les boucheries. L’action physique de certains militants, on n’y peut rien, même si insulter son interlocuteur ne sert pas la cause que je défends. »

Comme les autres textes mis en ligne sur ce site, ce point de vue n’engage bien sûr pas les JNE.

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