La planète nous échappe…

 


par Claude-Marie Vadrot
Vadrot

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Il n’y a guère que le personnel politique et la vieille cohorte des climato-sceptiques qui peuvent aujourd’hui s’étonner des ravages d’Irma, d’Harvey, ou de la mousson qui s’est abattue sur l’Asie du sud est. Ravages croissants annoncés depuis des années. Par les climatologues mais aussi par les grandes compagnies d’assurances et de réassurances qui voient la facture des remboursements grimper chaque année. Ces dernières sont d’ailleurs aussi assidues qu’actives dans les couloirs du Giec et de la lutte climatique. Non pas parce qu’elles seraient devenues « écolos » mais parce qu’elles constatent qu’elles commencent à perdent de l’argent.

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Pour ceux qui sont assurés, la facture de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy atteindra 1,5 milliards d’euros. Rien pour les autres, rien. Les pays du Sud ne peuvent que se débrouiller (mal) seuls avec les dégâts, mais les sociétés industrielles assurent de plus en plus leurs biens et leurs activités. Comme si l’argent pouvait guérir la planète puisqu’elles sont de plus en plus menacées, elles aussi, par les aléas météorologiques après que leurs citoyens aient cru que les catastrophes n’arrivaient qu’aux pauvres.

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Les climatologues comme Jean Jouzel, le rappellent à chaque déluge : il n’est pas, tout au moins pas encore, certain que la terre connaîtra de plus en plus fréquemment des accidents climatiques, locaux, régionaux ou nationaux. Par contre, il est annoncé et vérifié que tous les événements liés à la météo seront de plus en plus puissants, de plus en plus destructeurs, de moins en moins contrôlables. Cela vient de se vérifier avec Irma et Harvey comme cela se constate en France avec les orages ou les épisodes pluvieux et leurs cortèges d’inondations et de submersions. Sans oublier les gelées inattendues que les naïfs croient révolues sous prétexte de réchauffement annoncé.

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Cela rappelle que l’on devrait qualifier autrement ce qui arrive à la planète et plutôt user de l’expression des spécialistes qui évoquent le « dérèglement climatique ». Devenus incontrôlables, les caprices provoqués du temps apprennent aux Américains la condition de réfugiés climatiques : un paradoxe dans cet État de Floride dont le gouverneur, Rick Scott, climato-sceptique notoire, interdit depuis de années à ses fonctionnaires de faire la moindre allusion au « réchauffement climatique » et à « la montée de la mer ». Comme si le refus des mots permettait de prendre le contrôle de la réalité qui a poussé six millions de personnes à prendre la fuite.

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Alors, comme le disait Lénine, que faire ? Pas grand-chose pour retarder cet inéluctable qui ne correspond à aucune échelle électorale. Et surtout, les politiques dépassés par des années de négligence ou de cécité, ne peuvent pas se contenter de s’agiter face à l’opinion publique et aux électeurs en construisant des digues le long de la mer, en bâtissant des discours, en canalisant les rivières, en renforçant des falaises, en multipliant les retenues d’eau ou en inventant des « normes anti-tempête » qui seront balayées aussi vite que les monceaux de ciment ou de rochers déversées sur les bords de la mer pour l’empêcher de monter.

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Depuis des années, sans toujours l’avouer, nos gouvernements sont passés de la prévention à l’adaptation. Ils se résignent, ils nous incitent à la résignation. Faute de changer de société nous acceptons qu’elle change pour rendre plus ou moins supportables les dérèglements que nous entretenons ou que nous laissons, ce qui revient au même, nos responsables politiques entretenir. Comme s’il n’existait pas d’autre solution. Comme si les beaux discours allaient émouvoir la planète et inciter Éole à la modération.

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Les images de Houston inondée, de Saint Barthélémy et Saint Martin détruites, de la Fosse sur Mer engloutie par Xyntia, des urbanisations des Alpes Maritimes mortellement inondées en 2015 ou du Loiret submergé en 2016, illustrent parfaitement le mal récurrent de nos sociétés. Et elles montrent son état de délabrement idéologique ou politique et sa spectaculaire résignation. Fascinés par ce qui n’arrive évidemment qu’aux autres et faute de courage, nous reculons devant l’action. Parce que l’économie et les industries sont nos seules boussoles, nous acceptons l’idée qu’il n’y a rien à faire. Alors que, pendant une période désormais bien courte, nous pourrions encore diminuer les émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire reprendre le contrôle d’une planète qui nous échappe parce nous révérons toujours le dieu croissance auquel Jupiter est en train de multiplier ses dévotions.

 

Ancien Président des JNE, Claude-Marie Vadrot collabore notamment à Politis et à Polka Magazine.

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