Les médias et la chasse : vers plus de transparence ?

 


par Marc Giraud

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Oser critiquer le lobby de la chasse dans les médias reste une chose rare, longtemps restreinte à des débats « pour ou contre » manichéens, aussi forts en décibels que faibles en arguments. Le traditionnel reportage sur le brave papy qui ramène un lapin à la maison pour nourrir sa famille tombe en désuétude, mais la censure, et pire, l’autocensure, s’observent encore largement dans les médias dominants.

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Pendant des années, l’ouverture générale de la chasse n’a donné lieu qu’à des marronniers, des reportages ingénus sur un phénomène de société que personne ne semblait remettre en cause. Ne semblait seulement. En effet, les campagnes de sensibilisation des associations sur les dessous de la chasse, la puissance financière et politique du lobby, son manque de démocratie, son impact destructeur sur la nature, ses oppositions aux mesures de protection, et bien sûr la souffrance des animaux, ont petit à petit fait leur chemin. Quelques pionniers avaient défriché ce chemin, comme Christian Zuber avec ses images de chasse à courre (interdit d’antenne par les autorités, il les diffusait lors de conférences avec Nadine Saunier, bravant des menaces de mort), Bernard Groslier et Paule Drouault dévoilant la réalité des pièges à mâchoires à la télé, ainsi que quelques autres JNE ou associatifs courageux. D’autres ont repris la relève avec le Roc, aujourd’hui disparu, ou l’Aspas, qui a réussi, entre autres, à alerter les médias sur les accidents liés à la chasse et à faire nuancer leurs reportages.

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Paradoxalement, le lobby chasse est de plus en plus fort en communication et en connivences politiques *, alors que ses effectifs baissent. Bien que les chiffres ne soient pas clairement communiqués, on ne compte plus qu’un million de chasseurs en France, et quasiment le double de végétariens ! Les rapports avec la nature, et la sensibilité à la souffrance animale évoluent, mais les responsables politiques beaucoup moins, car ils sous-estiment le poids électoral des millions de randonneurs et autres utilisateurs de la nature.

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Et les médias ? Notre confrère Allain Bougrain Dubourg a payé très cher ses prises de position contre le braconnage des tourterelles dans le Médoc, avec un brusque arrêt de ses émissions décidé par Xavier Gouyou-Beauchamps, alors Président de France Télévisions, mais également chasseur. Plus récemment, une enquête réalisée pour Canal +, Chasse, le pouvoir au bout du fusil, dénonçait consciencieusement les brutalités sur le terrain, le laxisme des autorités face aux accidents, les abus de pouvoir, en montrant à la fois des manœuvres de prosélytisme auprès des écoliers, ou un lobbyiste dictant les engagements du président de la République en faveur des chasseurs. Le reportage a été déprogrammé dès sa première diffusion le 10 septembre 2013, ce qui s’apparente à de la censure.

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D’autre part, les sujets sur la chasse sont presque systématiquement écartés par les responsables de rédaction (il ne s’agit pas là que de mon expérience personnelle), parce que « polémiques ». Les polémiques dérisoires ne dérangent pas les médias, mais la chasse fait encore peur. Tout se passe comme s’il était interdit de parler de la chasse sans la présence d’un chasseur **. Le simple fait d’énoncer des réalités objectives, même si elles sont critiques, n’est donc guère répandu dès qu’il s’agit de chasse, sans doute par crainte de réactions qui n’oublient pas d’être vives. Le sujet est donc écarté d’emblée, et l’information y perd beaucoup, ce qui s’apparente à de l’autocensure.

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Aujourd’hui, l’information évolue : elle change de médias. Si je ne peux pas entrer par la grande porte, je passe par la fenêtre ! Longtemps interdites de télé, les images des souffrances animales dans les abattoirs ont récemment flambé sur le Net. Diffusées par l’association L214, elles ont suscité un tel retentissement dans le public que les médias dominants ont bien été obligés de relayer l’info. Le même cheminement semble se profiler pour la chasse. Exaspérés par l’immobilisme de la situation, les citoyens diffusent eux-mêmes l’info. Un peu partout en France, des associatifs organisent des manifestations, des sit ins, réalisent des films (aux images parfois très dures), relaient des pétitions. Tellement de pétitions, d’ailleurs, qu’elles finissent par se noyer les unes les autres. Mais elles reflètent un ras-le-bol qui monte, qui monte. Les opposants à la chasse, ou tout simplement ceux qui en critiquent légitimement le fonctionnement, devraient finir par se faire entendre.

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Pour en savoir plus
L’Aspas (Association pour la protection des animaux sauvages) diffuse 10 vérités sur la chasse, pendant 10 jours, à l’occasion des principales ouvertures en France (en gros le 11 septembre au sud de la Loire, et les 18 et 25 septembre au nord).
Juste une vérité parmi les dix : « Chasser bourré, c’est légal ». En France, il n’y a pas d’alcootest pour les chasseurs, et pas de sanction en cas de chasse en état d’ébriété. Pourtant, un fusil n’est pas moins dangereux qu’une voiture…
Dossier de presse et contact : Madline Reynaud, Directrice – tél. 04 75 25 62 14 – direction@aspas-nature.org

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Un livre

chasse
Comment se promener dans les bois sans se faire tirer dessus
 Marabout – 192 pages – 18×12,5 cm – 6,50 €.

Contact presse Alizé Bouttier – 01 43 92 35 97
pressemarabout@hachette-livre.fr

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*Voir, parmi tant d’autres, les promesses du candidat Sarkozy à… Château-Renard.

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**On constate la même chose avec le loup, que les médias ne savent plus évoquer sans focaliser sur les troupeaux et les éleveurs, répétant les uns après les autres les mêmes poncifs, ce qui trahit un affligeant désintérêt pour le dossier.

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