Transition énergétique : un débat citoyen sinon rien

 


par Thomas Blosseville

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Le sujet est longtemps resté cantonné à un cercle d’experts, il s’ouvre aujourd’hui aux Français. Mais combien d’entre eux ont entendu parler du « débat national sur la transition énergétique » qui s’amorce ? Après des discussions fin 2012 sur les modalités d’organisation, l’exercice entre dans le vif du sujet en janvier 2013. A Paris, mais aussi en régions, l’heure est venue d’envisager collectivement l’avenir énergétique de la France aux horizons 2020, 2030, 2050… Du moins en théorie car, dans la pratique, ce débat initié par le gouvernement devra remplir trois conditions pour être un succès.

 

D’abord, mobiliser les citoyens. Ce débat tente un grand écart incertain. L’exercice vise en effet deux objectifs. Il s’agit, d’une part, de rédiger d’ici à l’automne un projet de loi sur des sujets parfois très pointus. Des investissements dans le mix énergétique sur, au moins, une décennie en dépendent. N’atteindre que ce but serait une occasion manquée. Il s’agit, d’autre part, de faire participer un grand public néophyte. C’est là une clé essentielle du débat. Parce que la transition énergétique rebat les cartes et redistribue des pouvoirs. Parce que toutes les bonnes idées sont utiles pour adapter les solutions à la diversité des besoins. Parce qu’une problématique aussi diffuse que les économies d’énergie requiert la mobilisation générale, le débat qui démarre ne doit être que le début d’un processus. Une dynamique qui n’a d’autre intérêt que de prolonger l’effort de pédagogie, d’information et de mobilisation des citoyens au-delà de la parution d’un texte de loi.

 

Ensuite, décloisonner le débat. Ne pas le restreindre à l’électricité nucléaire, ni même renouvelable, mais inclure toutes les formes d’énergie, comme la chaleur et les carburants. Ne pas raisonner franco-français, mais s’inscrire dans un contexte européen. Ne pas se limiter à l’impact climatique, mais intégrer aux réflexions la raréfaction des ressources naturelles.

 

En France, les débats médiatiques sur l’énergie sont souvent restreints à la production d’électricité nucléaire. Les récents scénarios de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) l’illustrent pourtant : l’approche ne peut être que globale. La transition énergétique suppose un mouvement d’ensemble. Ainsi, selon les travaux prospectifs de l’Ademe, ce sont les économies d‘énergie réalisées par la France dans ses bâtiments qui libèreront les ressources renouvelables nécessaires pour délivrer ses transports du pétrole. Il ne pourra y avoir un tel élan collectif et multisectoriel sans une perspective commune.

 

Enfin, questionner les usages de l’énergie. Officiellement, l’Elysée comme Matignon soutiennent les économies d’énergie et les renouvelables. Mais quel cap ont-ils fixé ? En l’état actuel du débat, en France, la transition énergétique est subie. Tout juste est-elle envisagée comme une solution (parmi d’autres) à la panne de croissance du PIB. Une approche hors de propos. L’Etat a certes évoqué sa volonté de sortir du « tout- ». Comprenez du « tout-pétrole » pour les transports et du « tout-nucléaire » pour l’électricité. C’est très nettement insuffisant. Au mieux, cette ambition fixe un point de départ. Pas une direction.

 

La perspective du XXIe siècle est la préparation de « l’après- ». Comprenez « l’après pétrole-roi », « l’après nucléaire-miracle »… et tout autre prétendue stratégie énergétique fondée sur des stocks qui s’épuisent. Après l’escalade de la consommation d’énergie au XXe siècle, l’horizon est la « descente énergétique » : organiser le vivre ensemble pour consommer moins. Ou comment satisfaire les (mêmes) besoins à l’ère de la rareté des ressources.

 

En France, les débats se limitent trop souvent à produire « proprement » l’énergie. Mais assumer la transition énergétique, c’est surtout s’interroger sur son utilisation pour ne plus autant la gaspiller. L’enjeu est de rapprocher production et consommation pour mieux les faire coïncider et optimiser la gestion d’une énergie de plus en plus précieuse. Cela suppose d’accentuer la décentralisation en matière d’énergie, d’accepter l’interdépendance entre les territoires, de renforcer la coopération entre les citoyens… Autant l’assumer. Le gouvernement ne l’a pas encore clairement formalisé. Au risque de transformer ce débat national en un exercice purement technocratique et politicien.

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Thomas Blosseville est journaliste à Environnement Magazine.

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