Une journée loin de Rio+20 avec les femmes de Nova Iguaçu

Elles s’appellent Alzoni, Joice, Ivonete, Laudiceia ou encore Conceiçao. Mères de famille, elles habitent toutes un quartier déshérité de Nova Iguaçu, une ville de la banlieue de Rio, à 50 kilomètres.

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par Olivier Nouaillas

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Les femmes de la coopérative Univerde, de l'AS-PTA et du CCFD/Terre Solidaire avec des journalistes des JNE

Là, les routes sont défoncées, le tout à l’égout une exception et les ordures jamais ramassées …

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Pourtant, la présidence Lula, avec son programme « Faim zéro », a amené des améliorations : l’électricité est désormais présente dans chaque foyer, les petits magasins d’alimentation du centre ville sont bien achalandés et les transports publics de bus relativement fréquents. Mais, la misère est encore palpable à chaque coin de rue.

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Rio + 20 ? Alzoni da Salva Fausto, fille d’agricultrice et la cinquantaine combative, en a entendu parler mais sans plus. « Il ne faut pas que cela soit du papier mais des actes », confie-t-elle à une délégation de journalistes des JNE venus le matin même de Rio. Les actes pour Alzoni, c’est la coopérative Univerde qu’elle a fondée avec un groupe de femmes en 2008.

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L’idée en est particulièrement ingénieuse : cultiver des parcelles en maraîchage agroécologique sur des terres en friche, une bande de 50 mètres de large, qui recouvrent l’oléoduc de Pétrobras qui amène le pétrole du port de Rio à une raffinerie. Contacté à l’époque, Pétrobras, une entreprise publique, a dit oui et gratuitement à une seule condition : que les plants n’aient pas des racines qui dépassent une profondeur de trente centimètres pour ne pas endommager l’oléoduc, creusé à un mètre de profondeur et surveillé en permanence par un monitoring pour éviter toute fuite. Au bout du compte, une dualité environnementale assez osée : en sous-sol, le transport d’une énergie fossile (le XXe siècle) et en surface, l’agro-écologie (le XXIe siècle ?)

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Pour mener à bien ce projet un peu fou, la coopérative Univerde a reçu à la fois le soutien de l’AS-PTA, l’association brésilienne pour l’agriculture familiale et agroécologique, et du CCFD Terre Solidaire. « L’agroécologie, c’était la méthode de nos parents et de nos grands parents. L’industrie agroalimentaire, elle, veut nous vendre ses produit chimiques. Mais nous n’avons pas besoin ni d’engrais, ni des pesticides, seulement d’un bon compost ».

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A raison d’une parcelle de 1000 m2 par foyer, une vingtaine de lots a été attribuée à des familles volontaires de Nova Iguaçu. Joice, une femme du quartier, nous montre avec fierté, sa parcelle n°6, où de très belles salades voisinent avec des aubergines, de la coriandre ou encore des pommes de terre. Des fleurs mellifères y attirent en plus des insectes pollinisateurs. Seul inconvénient, comme elle n’a pas le droit de planter des arbres, à cause des racines, le soleil brésilien cogne fort dans la parcelle. Et il faut arroser régulièrement avec l’eau d’un puits situé un peu plus loin…

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Pour Joice, « mon jardin m’a permis d’augmenter mes revenus. Avant, je vivais dans une seule pièce avec quatre enfants. J’ai pu, avec l’argent gagné avec le maraîchage – les produits sont vendus une fois par semaine sur le marché de Nova Iguaçu -, construire deux chambres avec une pièce d’eau. et la santé de ma famille est meilleure avec ce que nous mangeons désormais ».

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Mais la plus grande fierté pour Alzoni, la présidente de la coopérative, c’est de contribuer à l’amélioration de la vie du quartier. « Depuis que nous existons, la municipalité a commencé à goudronner les routes et à créer un réseau d’assainissement et construit une crèche pour les enfants ». Un vrai développement durable…

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Et, comme un beau symbole sa fille, Josiane, née durant le premier Sommet de la terre à Rio en 1992, est aujourd’hui étudiante à l’université, où elle a des projets « d’éducation populaire sur l’environnement, en lien avec les mouvements sociaux ».

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Et à la fin de cette journée riche en rencontres, toutes les femmes – celles de la coopérative Univerde, celle des délégations de l’AS-PTA et du CCFD/Terre Solidaire, mais aussi mes consoeurs des JNE, se sont mises ensemble spontanément pour une belle photo souvenir.

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Il était cinq heures du soir, le temps de rentrer à Rio. Et surtout de ne pas les oublier.

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Cet article a été publié sur le site de la Vie. Sur cette expérience, lire aussi ici la chronique de Bernard Desjeux.

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