La transition écologique, c’est maintenant !

 


par Laurent Samuel

Quelle place pour l’écologie dans la politique qui sera engagée par le Président François Hollande ? Pour en avoir une idée, beaucoup guetteront le nombre et le rang des ministères accordés au Parti vert (lire ici les conseils de l’ex-ministre Dominique Voynet à ses amis), ainsi que le nom de son (ou sa) ministre de l’Ecologie. Sans doute seraient-ils plus avisés de s’intéresser avant tout à l’identité et à la feuille de route du futur Premier(e) ministre. Invité le 28 janvier à Montreuil (Seine-Saint-Denis) au Congrès de France Nature Environnement (FNE), celui qui n’était encore que le candidat socialiste avait en effet annoncé, sans que cela suscite alors beaucoup de commentaires, qu’il chargerait son Premier ministre de piloter la « transition écologique ». Le « profil » du (de la) futur(e) locataire de Matignon, et son intérêt éventuel pour les questions d’environnement constitueront donc des indices importants. Mais le point décisif sera la place assignée à cette « transition écologique » dans l’agenda du Premier ministre. Celle-ci sera-t-elle mise en avant comme un moyen privilégié de créer des emplois et de résoudre la crise économique, ou reléguée comme un objectif secondaire ? L’engagement, pris par François Hollande devant les militants de FNE, de demander au Premier ministre de fixer à chacun des membres de son gouvernement une « feuille de route » relative à l’action de son ministère pour la « transition écologique » constituerait aussi une avancée décisive, car il forcerait tous les ministères, y compris les plus rétifs à l’environnement, à « s’écologiser ».

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Un autre point important concerne l’architecture gouvernementale. Le Premier ministre gérera-t-il « en direct » tout ou partie des dossiers d’environnement, ou laissera-t-il une large latitude au ministre de l’écologie ? Le « grand » ministère de l’Ecologie que Jean-Louis Borloo avait constitué sera-t-il conservé ? Intégrera-t-il des secteurs liés à l’environnement comme l’énergie, voire la santé ou l’agriculture… ? L’écologie reviendra-t-elle à la deuxième place dans l’ordre protocolaire des ministres, comme elle l’était à l’époque – pas si lointaine – de Jean-Louis Borloo ?

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Le nouveau Président et son équipe gouvernementale devront en tout cas affronter dès leur entrée en fonctions quelques dossiers « chauds » relatifs à l’environnement. En particulier, François Hollande mettra-t-il au panier les projets d’arrêtés autorisant de tirer sur des loups, qui suscitent la colère des défenseurs de la nature ? La nouvelle équipe devra aussi décider si le Sommet Rio+20, qui se tient du 20 au 22 juin prochain, relève du domaine présidentiel ou ministériel. En clair : le Président Hollande se rendra-t-il en personne au Brésil, ce qui serait une façon de marquer l’engagement de la France pour le succès de cette conférence, ou se contentera-t-il d’y envoyer le Premier ministre, voire le ministre de l’Ecologie ? Point de clivage entre socialistes et écologistes, la question du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, vient, quant à elle, d’être provisoirement réglée grâce à l’engagement des collectivités locales de ne pas procéder à des expropriations tant que les recours en justice n’auront pas été épuisés (voir cet article du Monde).

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Dans les mois suivants, la crédibilité de François Hollande en faveur de l’écologie se mesurera surtout à la réussite du « dialogue environnemental » promis lors du congrès de FNE. « Notre philosophie est de placer le dialogue environnemental au même niveau que le dialogue social », explique Marie-Hélène Aubert, l’un des noms les plus cités (avec Cécile Duflot) pour le poste de ministre de l’Ecologie, dans le Monde du 9 mai 2012. « C’est pourquoi nous organiserons une « Conférence environnementale » à six : les cinq du Grenelle (Etat, ONG, syndicats, collectivités locales, entreprises), auxquels viendront se joindre des représentants du Parlement, car le lien avec les élus a été un des problèmes dans la mise en œuvre du Grenelle. Nous souhaitons aussi établir une régionalisation du processus de dialogue, ajoute cette ancienne Verte passée au Parti socialiste. Il faut sortir des réunions de salon dans les ministères et traiter plutôt de ces problématiques au niveau des régions qui ont toutes leurs spécificités. »

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Enfin, le Président Hollande sera attendu au tournant sur le « grand débat citoyen » qu’il a promis sur l’énergie. « François Hollande a fait de la transition énergétique un enjeu prioritaire », confirme Marie-Hélène Aubert. « C’est la première étape que nous mènerons au sein de la Conférence environnementale. Le nucléaire, qui avait été exclu des sujets du Grenelle, y sera traité. Concrètement, le débat sur l’énergie devrait être lancé à l’automne et durera au moins six mois. Il donnera lieu à une loi votée au printemps 2013. Il nous faut d’abord constituer un comité national organisateur dont l’indépendance ne pourra pas être contestée, et qui recevra une lettre de mission précise. »

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Ce louable souci de débat risque toutefois de tourner au dialogue de sourds si certaines orientations (notamment sur le nucléaire) sont affichées comme intangibles. Et il ne doit pas être un prétexte pour retarder des décisions urgentes, comme, par exemple, l’adoption de règles stables et incitatives pour favoriser les énergies renouvelables. Si la transition écologique se fait trop attendre, gare (comme le dit malicieusement mon confrère Marc Giraud) hollandemains qui déchantent…

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.Cet éditorial, comme tous ceux de ce site, n’engage que son auteur.

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