La conférence de Cancun sauvée de justesse par les pays du Sud

par Claude-Marie Vadrot

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Une vue des "plages" de Cancun - photo Claude-Marie Vadrot

Toutes les ambiguïtés possibles et imaginables figurent dans le document adopté dans la nuit de vendredi à samedi à Cancun, qu’il s’agisse de la forêt livrée aux marchands ou bien de l’aide aux pays les plus pauvres qui sera, comme les compensations forestières, livrée à la Banque Mondiale et au « socialiste » qui gouverne le Fonds Monétaire International.

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Elles permettent à chacun, y compris les Etats-Unis et la Chine, de lire cet accord à sa façon. Quant à la Russie, elle aura simplement réussi à se ridiculiser une fois de plus et le Canada et l’Australie se sont distingués, soumis aux mêmes multinationales, par le suivisme des Américains.

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On retiendra plusieurs choses du nouvel happening qui s’est déroulé au coeur d’une ville qui rassemble dans son univers touristique, tous les maux et les aberrations de la planète gaspilleuse. Difficile d’imaginer, avant d’atterrir dans cette longue zone hôtelière américanisée de 28 kilomètres et 161 hôtels, à quel point le tourisme peut être ravageur et symbole de l’évolution mortelle de la planète : de l’ancienne lagune et de la mangrove de Cancun, il ne reste pratiquement plus rien. Des discussions et du ce texte imposés avec beaucoup d’intelligence par la présidence mexicaine qui redoutait un échec émergent plusieurs certitudes.

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D’abord que les pays occidentaux, à commencer par l’Europe et la France, n’ont même pas fait de la figuration intelligente tant les discours de leurs ministres ont été convenus et médiocres. Celui de la ministre de l’Ecologie française, un authentique rapport de gendarmerie de cinq minutes, fut l’un des pires. Ce n’était pas du meilleur Nathalie Kosciusko-Morizet. Il est vrai qu’après avoir accompagné le Président de la République en Inde pour y vendre des centrales nucléaires, il lui était bien difficile d’être crédible à jouer les écolos.

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Ensuite que le négociateur français qui quitte son poste, Brice Lalonde, a joué personnellement un rôle important. Qu’il ait eut sur place peu de contact avec sa ministre a cruellement souligné l’absence de la France dans ce qui était encore pour elle un enjeu important il y a un an. Tout simplement, parce que comme de nombreux pays d’Occident, son responsable suprême a jugé que la bataille pour le climat ne rapportait pas assez de voix aux élections.

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On retiendra également, ce fut l’analyse de Brice Lalonde en privé, que mettre les 27 pays européens sur une ligne de conduite claire et efficace, se révèle désormais impossible. Illustration de ce qui se passe pour d’autres sujets. L’Europe n’est bien qu’une zone de libre échange sans politique commune.

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Expulsion des 20 manifestants "coupables" d'avoir scandé des slogans contre l'accord sur les forêts en brandissant des pancartes - photo Claude-Marie Vadrot

Les nations qui la composent, comme beaucoup d’autres, ont plus ou moins fait une croix sur la bataille contre le réchauffement climatique, se résignant, avec une joie mal dissimulée, dans les couloirs comme dans les interventions publiques, à abandonner le sujet au soi-disant « business vert », celui qui compte profiter non pas d’une résistance au réchauffement, mais d’une adaptation… Car il ne s’agit plus de freiner le réchauffement mais de s’en accommoder, ce qui sera plus facile au Nord qu’au Sud. Au prix de millions de réfugiés climatiques contre lesquels ce Nord construira des murs de béton et d’informatique…

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Par contre, il faut souligner aussi à quel point des pays comme la Bolivie, Haïti ou Panama, par exemple, ont su trouver des mots et des accents de sincérité éloignés des discours convenus. Il y avait dans leurs interventions, toute l’émotion qui manquait aux pays industrialisés. Celle qui marquait le discours d’Evo Morales, le président bolivien, ou encore la prise de position du ministre häitien qui sait, lui, ce que signifient les bouleversements climatiques pour un petit pays ravagé par les ouragans, les inondations, la sécheresse et les maladies.

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Ce sont donc les pays du Sud, cette fois – y compris le Mexique – qui ont permis de sauver ce qui pouvait l’être face à l’égoïsme congénital des nations industrialisées. Si cette volonté persiste à Durban, en Afrique du Sud, l’année prochaine, cette partie du monde aura permis quelques avancées qui pourront peut-être permettre de limiter le réchauffement de la planète à 3° C pour la fin du siècle, même si c’est encore trop. Loin des vantardises des pays développés qui osent encore évoquer une élévation de 1,5° C à laquelle les scientifiques, à l’exception de quelques comiques comme Claude Allègre et des Américains, ne croient plus tant la planète perd du temps par égoïsme.

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Le chef de la sécurité des Nations Unies, Fernando Samoes, note les noms des 20 manifestants qui seront immédiatement exclus de la conférence, leur accréditation étant instantanément annulée sur les ordinateurs de l'ONU - photo Claude-Marie Vadrot

Cette conférence aura aussi illustré la volonté de rejeter, physiquement, policièrement et philosophiquement, la société civile et les Organisations Non Gouvernementales. L’affolement qui a saisi la police des Nations Unies devant la manifestation d’une vingtaine de militants qui avait réussi à se regroupe dans le centre de conférence, en fut une illustration plus que tragique. Comme si les gouvernements et les Nations Unies avaient oublié que c’est la société civile qui les a finalement amené à agir ou à faire semblant d’agir.

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Enfin il faut aussi dire que l’absence des chefs d’Etat du G8 aura permis d’avoir au moins un semblant d’accord. Les Sarkozy, les Obama et beaucoup d’autres n’ayant pas éprouvé le besoin de venir à Cancun faire reluire leur ego et assurer leur communication électorale.

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Cet éditorial, comme tous ceux du site des JNE, n’engage que son auteur.

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