COP28 : priorité à l’adaptation ?

La COP28, du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, a le même objectif que les COP précédentes : réduire nos émissions de gaz à effet de serre, pour éviter le basculement. L’Accord de Paris prévoit un processus de bilan mondial par les Etats tous les 5 ans, en vue de « rehausser leurs ambitions » (les NDC) et réorienter leurs actions si elles sont insuffisantes, d’où l’intérêt de suivre ce processus que d’aucuns jugent totalement inutile. Or les rapports de réduction ne sont pas à la hauteur des engagements, ils sont insuffisants ou même absents, et tous les clignotants sont au rouge (rapport CCNUCC basé sur le bilan 2022= entre 2°1 C et 2°9 C). Les engagements actuels des pays laissent prévoir une baisse des émissions de 2 % entre 2019 et 2030, au lieu des 43 % préconisés pour limiter le réchauffement à 1,5° C par rapport à la période pré-industrielle.

par Dominique Martin Ferrari

La dimension géopolitique des débats est de plus en plus importante. Quatre cent vingt deux bombes climatiques (extraction de fossiles) sont annoncées, surtout du côté de la Russie, de la Chine, des Etats-Unis… Quelle réaction de la présidence des Etats Arabes Unis ? Par ailleurs, la COP28 va se tenir au moment où le premier accord concernant les réfugiés climatiques vient d’être signé. L’accord n’est pas encore effectif, mais l’Australie se dit prête à accueillir les 11.200 habitants de l’archipel de Tuvalu, dont 2 îles coralliennes sur 7 viennent d’être englouties par la montée des eaux. Un nouveau visa sera spécifiquement créé pour accueillir ces réfugiés climatiques, à la vitesse de 280 par an. C’est une première concrétisation du concept de refugié climatique, mais sous conditions : Canberra s’engage à aider le pays lors de catastrophes naturelles et de pandémies, mais, en échange, l’Australie disposera d’un droit de veto sur les accords de sécurité conclus par Tuvalu avec tout autre pays. Ce traité peut être perçu comme une victoire stratégique pour Canberra, qui entend étendre son influence dans l’océan face à la présence grandissante de la Chine. Kiribati et les îles Salomon se sont par exemple tournés vers Pékin ces dernières années. Tuvalu y reste opposé en continuant de reconnaître diplomatiquement Taïwan.

A quelques jours de la COP28, en audition au Sénat, Jean Jouzel a été interrogé sur un papier publié dans le Monde signé par 400 scientifiques proposant un traité de non prolifération des énergies fossiles. Une demande adressée au gouvernement français. Jean Jouzel fera aussi remarquer aux sénateurs que tout ce qui avait été annoncé par le GIEC s’est passé, exhortant ainsi les politiques à faire confiance à la communauté scientifique sur ce qu’elle annonce entre 2030 et 2050, car c’est aujourd’hui qu’il faut en décider. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de croître, notamment en Chine et dans les pays émergents.

L’urgence s’annonce donc à Dubaï, où la COP28 va être présidée par Sultan Al Jaber. Il a été choisi par la région Asie-Pacifique. Le Huffington Post nous confirme qu’Al Jaber, patron de la plus grosse compagnie pétrolière émiratie, justifie sa présidence et l’ouverture au secteur privé par la promesse « de millions de dollars pour la transition écologique ».
En tout cas, il aura un large contrôle sur l’ordre du jour de la réunion et lui qui défend l’alliance entre l’économie et l’écologie est à l’initiative d’une immense foire économique organisée en marge des négociations. « C’est ainsi que nous rétablirons la confiance entre le Nord et le Sud », a-t-il précisé. Ahmed Al Jaber a qualifié l’élimination progressive des combustibles fossiles d’« inévitable » et d’« essentielle ». Il a donc déclaré souhaiter mettre l’accent sur le premier Global Stocktake (Bilan Mondial), confirmant ainsi la nécessaire transition énergétique. Mais il a aussi déclaré que le système énergétique et les pays du Sud n’étaient pas prêts pour une élimination rapide du fossile tant que les énergies renouvelables n’augmenteront pas, et que le sommet devrait se concentrer sur l’adaptation et la solidarité entre les pays du Nord et les pays du Sud, en assurant un accès plus équitable aux financements climat.

L’an dernier, à la COP27,  les 196 pays réunis en Égypte avaient validé le principe d’un fonds sur les « pertes et dommages ». Un « fragile compromis »,a jugé Lola Vallejo, directrice du programme climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). En effet, le texte n’est pas contraignant pour les pays du Nord : « Les pays développés sont “exhortés” et les pays en développement “encouragés” à contribuer au Fonds ». Une des grandes questions sera donc de chiffrer l’amélioration du financement de l’adaptation.

La COP28 marque l’achèvement technique des accords de Paris : on passe à la phase politique en pointant les problèmes avec une projection jusqu’en 2050. Deux semaines durant, le gratin de la diplomatie climatique mondiale cherchera à conclure un accord dont les grandes lignes sont connues :
– triplement de la production d’énergies renouvelables d’ici à 2030 ;
– amélioration de 4 %/an de l’efficacité énergétique ;
– électrification d’un maximum d’usages ;
– abattre les fuites de méthane ;
– construction de centrales à charbon avec systèmes de captage de CO2 ;
– développement des investissements dans les pays du Sud ;
– solutions d’atténuation pour augmenter les ambitions.

Les 1er et 2 décembre, le sommet politique devrait engager les Etats à revoir leurs NDC, avec un focus particulier sur le niveau territorial (villes ou gouvernements locaux). La phase politique va être beaucoup plus frontale puisqu’il va s’agir de dire d’où viendra l’argent. Plusieurs hypothèses sont sur la table, comme des taxes sur le transport maritime, l’aérien ou les industries fossiles, ou encore une taxe sur les transactions financières.

On suivra particulièrement les journées thématiques :
– 3/12 : santé (une première)
– 4/12 : finances, commerce
– 5/12 : énergie et industrie, transition juste, peuples autochtones
– 6/12: action multi-acteurs, urbanisation, transports
– 8/12 : jeunes, enfants, éducation, formation
– 9/12 : nature, terres, océans
– 
10/12 : Alimentation, agriculture, eau

Cet article a été également publié ici sur le site des Acteurs Régionaux du développement Durable (ARDD) association dont Dominique Martin-Ferrari est la Déléguée Occitanie.