Construire notre droit à une démocratie économique en décidant de l’affectation de notre argent dans la bancassurance et dans l’utilisation des sols

Certains peuples accèdent à la démocratie politique. Nous savons qu’elle est fragile et que nous devons veiller à la protéger, à la développer. Aujourd’hui en France, est-elle suffisante pour répondre aux attentes et espérances ?

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Par Sylvie Mayer (JNE) et Jean Pierre Caldier (Ap2E)

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Avec la crise économique, devenue aussi sociale, avec la spéculation inacceptable sur les produits agricoles alimentaires, avec les hausses des tarifs de l’énergie, avec le retour rapide des bénéfices dans les banques françaises, (plus de 20 milliards en 2010) nous constatons qu’aucune solution efficace n’a été réellement mise en œuvre.

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Comment avons-nous été consultés ? Avons-nous pu proposer des solutions alternatives à celles qui ont conduit au chaos économique, aux inégalités croissantes, au point de pousser 15 millions de Français, un sur quatre, à 100 € près par mois, dans le ravin vertigineux de la précarité ou dans la spirale du suicide ?

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Il est possible de construire ensemble des alternatives répondant à nos nouvelles aspirations. Les indicateurs que nous vous proposons aujourd’hui peuvent être des instruments pour agir

– agir pour reprendre la maitrise de notre argent déposé en banque et dont nous sommes les seuls propriétaires

– agir pour reprendre et préserver la souveraineté alimentaire qui est en train de nous échapper.

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1 – L’utilisation locale des dépôts bancaires.

Une caractéristique distingue le système bancaire français : 60 % des dépôts sont dans des banques de l’Economie sociale, dans lesquelles chaque sociétaire a droit à une voix, quels que soient ses apports.

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Ap2E-Agir Pour une économie équitable souhaite aider nos concitoyennes et concitoyens à intervenir dans leurs agences locales de bancassurance pour une utilisation utile de leurs dépôts, pour l’emploi local, le logement social, à la préservation de l’environnement.

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Dans la lettre Ap2E-Agir Pour une économie équitable de mars-avril 2011, nous avons réalisé un tableau de présentation des ratios départementaux et régionaux des encours de dépôts et des encours de crédits à partir des statistiques de la banque de France. Il peut permettre tout à la fois aux sociétaires des banques mutualistes et coopératives et aux élus locaux d’interroger les dirigeants des agences de ces banques sur l’utilisation de leurs dépôts, de de ceux de leurs concitoyens. Il montre qu’en 2010, 7 régions (pour 4 en 2009) 18 départements (pour 14 en 2009) ont bénéficié d’encours de crédits supérieurs à leur participation aux encours de dépôts.

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Pourquoi les fonds déposés dans les banques de 78 départements (8 départements sur 10), ont-ils été investis dans seulement 18 départements ? Qui en a décidé ?

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Ces statistiques confirment les profondes inégalités sociales entre territoires. Les citoyens et leurs élus peuvent intervenir pour exiger que les dépôts locaux restent à la disposition de leurs territoires. Ils doivent avoir le pouvoir économique de décider de l’emploi de l’argent dont ils sont seuls propriétaires. Relocaliser, ce n’est pas seulement valable pour les productions : c’est aussi nécessaire pour leur financement.

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2 – L’utilisation des sols

Les spéculations financières, les émeutes de la faim qui en découlent vont-elles se poursuivre ? Seule une intervention des citoyens du monde dans les décisions pourrait peut-être y mettre fin. La Terre devient donc très précieuse pour notre devenir et celui des générations futures. En France, l’urbanisation maîtrisée par une minorité a conduit à la destruction de plus de 10 millions d’hectares de bonnes terres agricoles de proximité. Ces terres auraient favorisé la création de circuits courts entre paysans et consommateurs, et peut-être permis à 8 millions de Français de les utiliser, comme le font 16 millions de Japonais depuis de nombreuses années.

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Allons-nous gâcher 10 millions d’hectares supplémentaires dans les prochaines années Qui en définitive décide ? Qui profite de l’urbanisation extensive? Les citoyens sont-ils réellement associés à ces décisions ?

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Ne devrions-nous pas décider démocratiquement comment doit être « affecté » et « géré » le sol sur lequel nous vivons ?

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Pourrons-nous encore longtemps laisser quelques-uns, parfois sans transparence, décider à notre place ? Ne devons-nous pas inventer une démocratie plus participative ?

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Il est admis :

– qu’un produit agricole parcourt en moyenne 1500 km en France, 2400 km au USA

– qu’être bien nourri, c’est disposer de 2200 à 2400 calories par jour et 50 à 60 grammes de protéines.

– qu’une calorie d’origine végétale nécessite 10 fois moins de surface qu’une calorie d’origine animale.

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Certains avancent que nous devrons réduire notre consommation de viande de 30 à 40 %. Certains estiment impensable de nourrir 9 milliards de personnes, d’autres pensent que c’est possible, y compris en bio.

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Il est nécessaire qu’universitaires, agronomes, agriculteurs nous proposent une surface-référence de « Terre nourricière » à comparer aux surfaces agricoles de proximité existantes.

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Daniel Vuillon (1) évoque une première fourchette de 500 à 800 m2 avec un nombre réduit de calories d’origine animale.

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Les deux indicateurs que nous vous proposons aujourd’hui sont une première pierre pour que dans chaque territoire s’ouvre un dialogue citoyen sur l’utilisation de la terre pour notre souveraineté alimentaire. Pourquoi ne pas imaginer un minimum obligatoire de terres agricoles par territoire, comme c’est le cas pour les logements sociaux ? Le recensement des terres agricoles qui devrait être publié en 2012 peut y contribuer.

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La réalisation des Agendas 21 territoriaux s’accompagne généralement de tableaux de bord. Les chiffres que nous proposons peuvent s’y intégrer.

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(1) L’ « Indicateur Terre nourricière » que nous mettons en débat est une idée suggérée par Daniel Vuillon, agriculteur, co-initiateur des AMAP en France et du réseau de Urgenci qui regroupe au niveau mondial des citoyens, producteurs agricoles, consommateurs, militants, acteurs politiques impliqués dans une approche économique alternative appelée les Partenariats Locaux Solidaires entre Producteurs et Consommateurs (PLSPC) (les AMAP en France Les CSA dans les pays anglo-saxons, les ASC au Québec, les Teikeis au Japon, les Reciproco au Portugal). Emmanuel Bailly, Fondateur et Directeur de Ecorégion® Concept Territoires, propose l’indice ISA Indice de Sécurité Alimentaire.

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